Le Mantra Méta

Ok. Je me rappelle de 1999. J'étais jeune et au ciné c'était le feu. American Beauty, Sixième Sens, Fight Club, Magnolia, Le Projet Blair Witch, La Momie, La Ligne verte, Sleepy Hollow, Le Talentueux Monsieur Ripley … A boire et à manger, c'était une année cinéphilique dingue.

La décennie 90 nous faisait des adieux somptueux, moi je commençais tout juste à découvrir ça (j'avais dix ans), et j'ai couru après une partie des années suivantes. Et puis bien sur, MATRIX. Putain, Matrix quoi. A quoi ça servirait de redire encore et encore la baffe ressentie ? Pendant longtemps j'ai vu et revu en boucle cette VHS (enregistrée avec coupures pub immonde sur TF1). L'univers Steam Punk, les réflexions sur le sens de la réalité, de l'engagement,... Et puis le divertissement absolu, innovant, cérébral et athlète. Un truc de fou. Le cinéma d'action, peut-être même le cinéma tout court, est entré dans le 21ème siècle par Matrix.

Les suites ont permises, ensuite, d'explorer l'univers sous-jacent, d'autoriser les Wachowski à donner des accents supplémentaires à leur réflexion sur le monde, les réalités parallèles, la quête de sens, l'amour. Et tout ça au long des trois premiers films sans transiger sur l'envie de qualité dans le divertissement : Kung-Fu, moyen techniques, innovations, séquences cultes, chacun de ses trois films en est plein.

Quinze après, Lana est fatigué, ok. Ca la saoule que les studios l'a poussent comme tous les autres créateurs de franchises célèbres a rebooté, relooké, retourné, ressassé, ok. OK. Mais si t'aime pas, fais pas. Le film vu aujourd'hui se veut méta, se veut malin (sous-entendre : se veut plus malin que son public, jamais bon signe), se veut ironique, se veut mordant… Il l'est mal. Ok. J'ai compris le message, on l'a tous compris. La Warner abuse (cité texto par un des personnages), la mode des repompes de franchises usées ça soule, ok. Du coup, on décide de faire un film déconstruit, déconstruisant au passage les personnages précédents, ridiculisant Morphéus, Néo, Trinity, et tous les autres. On déconstruit le sens de l'œuvre aussi. Qu'on la trouve habile ou non, la trilogie Matrix avait du sens, faisait sens. Aujourd'hui, on décide de cracher à la tête de tous ceux qui pouvaient s'identifier par ce sens : vous savez quoi ? En fait, aucun choix n'est possible, les gens motivés à changer le monde sont forcément dupes, et on offre le truc le plus PROFOND du monde à opposer à ça : Le FABULEUX POUVOIR DE l'AMOUR ! On dirait un téléfilm naze par moment, quand on décide de bazarder réflexions sur l'action, le sens des choix, l'engagement, la réalité et le rêve pour : TOUT CE QUI COMPTE, c'est l'AMMMMMMMUUUUUUUUUUUUUURRRRRR !

J'écris en majuscule, parce que c'est ce que le film me hurle dessus toutes les demi-heures quand je commence à m'endormir face aux scènes d'actions mal montés (du sous-sous Jason Bourne, indigne), face aux répliques indigentes, face aux rushs métas malins comme un mec qui étalerai sa culture tout juste acquise dans la lecture facile de deux-trois Que Sais Je ?. Aucune scène d'action n'est réussie (surcoupées, mal cadrées, épileptiques et vomitives). Aucun dialogue ne suscite empathie ou identification. Ok, c'est du second degrés et c'est méta. Moi aussi je peux enchainer les blagues cyniques. Si c'est des blagues de merde, ça demeurera donc des blagues cyniques… de merde. Au lieu de clarifier un point de vue désenchanté sur l'actualité artistique, ça rend sympathique la vue inverse. Lana Wachowski n'aime pas son public, apparemment elle semble croire qu'il ne méritait pas la trilogie originelle Matrix. Une chose est sûre. Personne ne mérite le mépris de ce métrage-ci.

J'ai mis 4 plutôt que 2 ou 3, parce que je suis un sentimental. Je déteste haïr ce que j'ai aimé.