Je ne l’avais pas vu venir. Et on peut bien se demander ce qui a poussé une des deux Wachowski à se lancer dans ce projet. Quelque part, le film répond un peu à cette question. La trame de l’histoire ? Pour faire simple Thomas Anderson est le créateur d’un univers virtuel et surtout d’un jeu vidéo qui a fait fureur par le passé, Matrix. Un jour, un de ses personnages intervient dans son monde pour le pousser à le fuir pour rejoindre ce qu’il dit être le monde réel. A vrai dire, Anderson ne sait pas si il veut revivre les évènements du passé. Et il ne sait d’ailleurs pas s’ils se sont réellement passés ni même qui il est vraiment. Paumé le pauvre bonhomme.
Ça commence fort, par une scène de baston tendue du slip. Cette scène, on la regarde de l’extérieur. Comme Bugs, le vrai personnage principal de l’histoire. Comme une scène du passé ou comme un film dont on assiste au tournage voire à la projection. Cette impression ne va pas nous lâcher pendant 2h30. Car c’est une expérience méta qui nous est proposée. Ce Matrix 4 nous parle de Matrix 1. Il nous dit à quel point le projet original était réussi. Il reprend certaines scènes mot pour mot, plan pour plan. Tout ce monde là a pris 20 ans dans la poire mais comme chacun sait, Keanu Reeves ne vieillit pas, logique pour un personnage virtuel. Au fond, l’intrigue importe peu et c’est d’ailleurs un peu le problème mais on y reviendra. Non, ce qui compte c’est le regard que Lana Wachowski porte sur l’héritage de Matrix et sur les interrogations identitaires de Neo/Anderson. Ainsi, tout du long, on nous explique très explicitement qu’il est impossible de reproduire le choc de Matrix. Que pour ce faire, il faudrait réinventer le Bullet Time et que c’est peine perdue. Du coup, il ne reste que l’exploitation d’une franchise à succès. Voilà donc la raison d’être de ce 4ème opus. Lana nous dit tout le cynisme d’une industrie qui peine à incarner des projets qui n’ont d’autres motivations que la rentabilité d’une marque. Dont acte. Peu réjouissant ? En effet mais c’est probablement le signe de ce 21ème siècle dans lequel le capitalisme admet se nourrir de ses propres excréments. Prend-on le spectateur pour un con ? C’est certain … mais quand on le lui dit, il revient alors … pourquoi se priver si en plus ça donne un air d’intello ? Autre point de vue, les confusions de Neo quant à savoir qui il est et comment il doit se définir reflètent assez probablement le parcours individuel de Lana Wachowski. Car entre Matrix 1 et Matrix 4, Neo est devenu une entité mouvante et Larry est devenu Lana. L’ennemi de Neo est aujourd’hui un psy rationalisant et gommant les aspérités, garant de la pérennité de la prison Matrix et/ou du genre normé. Sous cet angle, le film raconte un parcours que l’on devine plein de courage et de remises en question. On le voit, il y a de bonnes raisons de s’intéresser à ce 4ème tome. Pour autant, ça n’en fait pas un grand film. Comme dit précédemment, l’intrigue intéresse peu. Elle est faite de redites et de rappels pas tous finement écrits. Les scènes d’action ne surprendront pas grand monde. Au final, le Matrix original a tellement été un jalon esthétique qu’aujourd’hui cette esthétique ne lui appartient plus et quand il la réutilise, elle semble être empruntée à quelqu’un d’autre. Le constat de l’équipe travaillant à l’écran sur un futur Matrix est sans appel : c’est foutu, autant assumer. Tout ça fait un ensemble d’idées remarquables exposées dans le néant.