Malgré son énorme bide au box office, il aura fait parler de lui, ce quatrième opus ! Près de vingt ans après la trilogie Matrix, dont le premier film est l'une des dernières grandes claques du cinéma d'action/SF, comment allait s'inscrire un nouveau volet ? Après deux décennies de résultats commerciaux discutables (pour rester gentils), les Wachowskis (ici Lana, ex-Larry) allaient-ils revenir sur le devant de la scène ?
Ce n'est pas peu dire que le film a divisé son public. Ceux qui attendait une redéfinition du standard du cinéma d'action, une œuvre épique, ou un trip nostalgique ont été profondément déçus, et à raison. Car ce n'est aucunement la volonté de Lana Wachowski, bien au contraire.
Je ne dévoilerai pas d'élément sur l'intrigue, ce serait criminel. Je dirai simplement que la première heure de "The Matrix Resurrections" est un vrai plaisir. Il s'agit d'un énorme bras d'honneur méta à une tout partie du public et du business hollywoodien.
Le film fait mine de faire de la nostalgie stérile (les références de mise en scènes, voire images directement reprises, sont légions), pour mieux en montrer le ridicule. Il tire à boulets rouges sur le détournement mercantile et philosophique de la trilogie Matrix, ainsi que sur un public qui n'y a vu que des films d'action. Le cinéma de blockbuster amorphe et sans originalité, qui prédomine largement depuis les années 2000, en prend également pour son grade.
Cette première heure parvient même à distiller un certain mystère narratif, à l'image du premier volet, où l'on cherche à comprendre les tenants et aboutissants de ce nouvel univers. Ce qui est un tour de force sachant que l'on en est au quatrième volet.
Passée cette heure, l'ensemble est moins heureux. Le film se laisse suivre sans déplaisir, grâce notamment aux acteurs qui s'amusent (Keanu Reeves en tête). Et il a le mérite de proposer pas mal de nouvelles idées. Mais ces idées ne sont pas toujours bonnes, ni forcément exploitées à fond. On sent surtout une volonté de montrer où en sont certains personnages de "Reloaded" et "Revolutions" :
La cité Io expédiée, le nouveau Morpheus peu à peu écarté de l'intrigue, la nouvelle itération de Smith sans grand intérêt, etc.
Parlons aussi de la mise en scène. La photographie tranche complètement avec la trilogie, n'affichant plus du tout ces filtres verdâtres et ces ciels ternes pour les scènes dans la matrice. A l'inverse, les couleurs sont chatoyantes et le ciel lumineux. Ce qui trouve une explication logique dans le dernier acte, et qui a le mérite de proposer quelque chose à contre-pied.
Par contre, la surprise est un peu désagréable sur les scènes d'action. Chorégraphies correctes mais sans grand intérêt, et manque de fluidité visuelle (trop de gros plans, montage grossier). On est en fait assez proche des blockbusters dénoncés par l'aspect méta du film... Peut-être était-ce voulu pour agrément le propos, mais ça reste fort dommage.
Néanmoins, il faut encore une fois se dire que ce n'est pas la volonté du film de proposer une claque d'action ou une œuvre épique. "The Matrix Resurrections" est... une histoire d'amour ! Une romance finalement optimiste, qui tranche fortement avec la trilogie qui la précède.
Le film divise donc à raison, et cela fait du bien de voir des œuvres (et à fortiori des suites) capable de proposer autant de choses nouvelles et de remuer leur public.