On m'avait promis un film de bande. A la radio, sur internet ou dans la presse. Certes, il y a l'amitié dans Matthias et Maxime mais il y a tout autant l'amour. On m'avait promis du mouvement. Dans les bandes annonces ou même sur l'affiche, je m'attendais à un film au rythme effréné, telle une chanson des Sex Pistols dont le logo du film semble emprunter l'esthétique.
Sauf qu'il y a beaucoup de creux dans Matthias et Maxime, des séquences d'errances banales, qui prennent leur temps. Cela à pour conséquence de créer une impression non pas de réalité pure, mais de nous faire ressentir à l'écran l'évasion quotidienne: je parle de ces scènes dans le bus, celles où un personnage attend ou bien celles où un tel traîne dans les rues en fin de soirée. Toutes ces petites trêves disséminées dans le film, contrastant avec l'énergie qui se dégage des séquences entre amis montrent que Xavier Dolan, tout en s'en tenant à des enjeux simples, s'attelle à représenter la complexité des sentiments humains dans tout ce qu'ils ont de paradoxaux. En effet quand il y a eu partage, il y aura intériorité. Et c'est de l'individualité de chacun que naît la force du groupe.
Il y a dès le début un ton diffèrent de ses autres films. Quelque chose de moins grandiloquent et de plus modeste (sans connoté ses autres longs-métrages négativement). C'est cette simplicité, tout en retenu quand on connaît les tendances de Dolan , qui fait pour moi la force de Matthias et Maxime car elle embrasse parfaitement ce que le film raconte. Bien sûr, les gimmicks Dolanien sont encore présents mais à échelle moindre, plus distillés. En effet, les citations musicales ne portent plus les élans dramaturgiques et émotionnels majeurs du film. Les mères sont aussi présentes, mais restent relativement au second plan comparé à ce que Dolan nous avait déjà proposé. Elles offrent plus un regard de classe qu'une réelle force auratique.
Cette simplicité fait du bien. Le film, montrant ce que tout le monde connaît, en devient rassurant. Les enjeux sont ramenés à des questionnements existentiels et sentimentaux très banals. Pas de tragédie programmée à la Mommy ou Juste la fin du monde, pas de grandes épopées pimpantes à la Laurence Anyways ou Ma vie avec John F. Donovan. Il y a un grand soin apporté aux ambiances, les teintes sont chaleureuses et les matières nous paraissent feutrées. Tout cela a fait que j'ai eu envie de me loger dans les lieux du film, comme un petit cocon. Le film nous fait ressentir ces lieux et instants familiers comme le garage lors d'une soirée entre amis, une chambre d'ado ou une baignade spirituelle. En ce sens, Matthias et Maxime est peut-être le film le plus sensitif de Xavier Dolan, du moins pour ce qui est des espaces, ce qui témoigne d'une manière assez neuve pour lui de mettre en scène.
Ce teen-movie de trentenaire joue sur une ligne assez fine entre mouvement et errance. Quand j'y pense, cette impression de simplicité tel que Xavier Dolan met en scène ici, je l'ai vu assez rarement au cinéma. Le pic émotionnel du film est quand même atteint grâce à un dessin d'enfant retrouvé dans un placard. Trouvaille naïve me diriez-vous, mais renvoyant encore une fois à un authentique quotidien de la rêverie.
Le film n'atteint donc pas l'intensité de Mommy (le seul chef d'oeuvre du réalisateur pour moi) mais c'est aussi pourquoi j'aime Matthias et Maxime. Derrière des partis pris formels parfois redondants (zooms successifs et cadres très peu innovants), Dolan prouve encore une fois qu'il possède une maîtrise cinématographique subtile: en ne montrant jamais au spectateur ce fameux baiser, celui par lequel pourtant tout débute, en ne divulguant pas d'images de ce voyage en Australie tant attendu, en laissant cet amour naître (à moins qu'il a toujours été enfoui là) sans laisser la flamme de cet amour frustré s'emballer complètement durant le film. Comme le disait Agnès Varda à Viggo Mortensen, juste avant de nous quitter (voir le discours de l'acteur prononcé à la cérémonie de cloture du dernier festival de Cannes): " Pour faire du bon cinéma, il ne faut pas montrer, il faut simplement donner l'envie de voir." La suite n'appartiendra donc qu'aux envieux.