Matthias et Maxime sont meilleurs amis depuis l’enfance, et pour les besoins d’un court métrage ils doivent s’embrasser. Ce simple baiser va troubler les 2 protagonistes, et les conduire à se questionner. Un petit rien fait basculer leur univers, leurs habitudes, et le plus important : leur relation. Derrière cela, on retrouve leurs amis et leur quotidien, rythmé par le travail, les week-ends en forêt, les fêtes… L’histoire peut paraître simple et classique de la filmographie de Xavier Dolan (on retrouve les thèmes de l’homosexualité, problème maternel…) mais c’est abordé d’une manière progressive, porté par la vision du cinéaste qui se veut à l’écoute de ses personnages. Le récit est tout en simplicité et c’est cela qui en fait sa beauté. Il nous parle, ainsi que les émotions des personnages où les spectateurs sont pris comme seul témoin et se retrouvent désorientés. Selon moi, Matthias et Maxime est le film qui se détache le plus des précédents de Dolan. Il est visuellement différent, plus au contact de la réalité dans un aspect où l’esthétique se rapproche parfois du documentaire.

C’est une œuvre aussi plus personnelle que nous livre le cinéaste, celui-ci à la trentaine et le film reflète des questions que lui-même se pose. Il choisit pour son huitième long métrage de davantage se livrer aux spectateurs en choisissant de prendre des libertés. Matthias et Maxime lui permet de respirer, après le dur accueil réservé à « Ma vie avec John F. Donovan », il souhaite revenir à une réalisation plus subtile, dans son décor natal : le Québec. La force du film repose sur le fait que jamais Matthias et Maxime ne sont seuls, ils sont toujours entourés par leur bande d’ami.e.s, à l’intérieur de laquelle ils découvrent un autre aspect de leur relation. Cette bande est le point central du film : la bouée auxquelles les deux protagonistes peuvent se raccrocher. Elle témoigne d’une amitié qui évolue et vieillit à travers le temps, où à 30 ans, un âge critique, on se rend compte de ceux qui nous entourent. Elle montre la force du film, qui réside dans ses rapports humains où plusieurs générations se confondent. Tel le personnage d’Erika, qui nous énerve par son expression jonglant entre anglais et français, est une caricature d’une génération qui a « perdu sa langue ». Elle montre alors un aspect d’une jeunesse qui n’est plus la leur, laissant les personnages dans une certaine nostalgie.

La qualité des dialogues est aussi à souligner, ils sont peut-être moins écrits que dans les précédents films de Xavier Dolan mais ils en sont davantage réalistes et renforce l’émotion transmise.

Ils sont mis en valeurs par ce groupe d’amis où leurs discussions fusent, entre les insultes, les blagues, les confessions… Les échanges se multiplient et crées une cohésion forte qui nous entraîne. On se retrouve alors dans un tourbillon de paroles qui nous emporte, le groupe accueille le spectateur et sans surprise nous prenons part à leurs blagues et à leurs rires. Cette ambiance est portée par une troupe d’acteurs québécois, où on retrouve Anne Dorval, Catherine Brunet, Pierre-Luk Funk… et bien d’autres tout aussi talentueux. Ils sont d’ailleurs tous réellement amis dans leur quotidien, apportant une richesse des échanges dans le groupe. Le film aborde aussi la question de l’âge, par le passage de la trentaine, comme le dit la voix off dans la bande annonce « c’est ça la beauté de la jeunesse : avoir 30 ans, avoir encore le temps », oui Matthias a encore le temps mais il s’interroge. Est-il légitime de faire basculer son quotidien, de prendre le risque de tout gâcher, pour Maxime ? Leur relation est ambigüe, pleine de questions et de tourments, et une tension sexuelle s’installe tout au long du film entre les deux protagonistes qui n’osent faire le premier pas dans leur désir. Ils veulent rire, pleurer, tout relâcher ensemble, mais au contraire chacun va contenir sa douleur, et puis d’un coup, sans prévenir, tout explose. Les amitiés, les amours, le travail, tout part en vrille, chacun est désemparé. Tous les deux se complètent, ils le savent, l’un ne peut rien sans l’autre, ils ont grandi ensemble comme des frères, alors pourquoi désormais ils ne se comprennent plus ? Xavier Dolan dans sa mise en scène partage ce qu’il souhaite transmettre, beaucoup de plans se font de loin, de manière intrusive, on observe Matthias et Maxime, impuissants et malgré tout on comprend leurs sentiments, comme eux, on hésite, on tremble, notre cœur bat fort, osera-t-on aller jusqu’au bout ? J’interpelle les lecteurs de cette critique, tout comme Dolan le fait avec son film, il nous parle et nous questionne, et le choix de faire une fin ouverte ne fait que confirmer ses intentions. Que désirons et voyons-nous dans la relation de Matthias et Maxime ? C’est notre interprétation qui en fait sa force, la manière dont on la perçoit depuis le début détermine sa fin.

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le 8 mai 2022

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