Après avoir lu une critique sur le premier film de Claude Sautet, j'ai envie de me replonger dans un des films de Claude Sautet que j'aime bien. En effet, Claude Sautet est un réalisateur dont je ne suis pas toujours fan. En gros, je n'apprécie guère que les films qui ont une tonalité plutôt policière comme "Classe tous risques" ou encore "Max et les ferrailleurs". Je m'en étais d'ailleurs expliqué lors de la critique du film "Garçon !" qui porte les stigmates de ce que je n'aime pas bien chez Sautet…

Par contre, "Max et les ferrailleurs" est un polar noir tout à fait atypique et passionnant.

Max est un flic solitaire. Au cinéma, il y a beaucoup de flics solitaires.

Oui, mais Max est un flic solitaire obsédé. Dans une vie antérieure, il avait démissionné de son métier de juge d'instruction le jour où il dut relâcher un homme qu'il avait estimé coupable. Il est devenu flic, persuadé que c'était là, grâce au flagrant délit, qu'on pouvait plus efficacement arrêter les malfrats et les mettre à l'ombre.

Mais voilà, c'est plus facile à dire qu'à faire. Et devant les quolibets des collègues concernant ses échecs répétés, il décide de sauter le pas afin d'organiser le flagrant délit parfait.

Le scénario, tiré d'un roman que je ne connais pas, est ingénieux. Il décrit la méticuleuse manipulation par Max d'une prostituée Lili qui pourra interférer sur une bande de ferrailleurs minables et les transformer en gangsters afin d'assouvir son objectif de "flag".

Au-delà de l'intrigue, ce sont les compositions des personnages et le jeu des interactions entre eux qui sont intéressantes.

Au sommet de tout ça, il y a ce flic Max joué par un somptueux Michel Piccoli. Son obsession de réussir un flag le conduit à un comportement complètement pervers. C'est un idéaliste dont toute sa personne physique et morale veut tendre à la réussite de son idéal. Sa vie, telle celle d'un militant d'une cause extrémiste, se résume à la réussite du plan. Il ne profitera même pas de la prostituée, Lily, qu'il paye grassement et pourtant Dieu sait qu'elle est belle et attirante. "Tu es bien sûr que tu es un homme" lui demandera Lily qui n'a jamais encore rencontré d'olibrius de cet acabit et qu'un tel comportement fermé sur lui-même finit par l'inquiéter.

Toutes proportions gardées, on peut assimiler ce comportement à celui du terroriste qui fait le vide en lui-même avant de passer à l'action afin de n'être que dans l'action.

Le deuxième personnage du film, c'est bien entendu Lily jouée avec une grande crédibilité par Romy Schneider. On oublie complètement ici qu'elle a joué il n'y a pas si longtemps les rôles de Sissi. Ici, on a affaire à un personnage de prostituée longtemps asservie en Allemagne, qui se trouve désormais indépendante dans ce Nanterre un peu glauque et finalement assez heureuse au milieu de la bande des ferrailleurs dont elle est en quelque sorte l'égérie ou une petite reine.

J'aime bien aussi les seconds rôles Georges Wilson et François Périer dans les rôles de commissaires. Le premier dans le rôle du chef direct de Max qui le couvre, pensant récolter les fruits du travail de Max sans trop se mouiller. Le second, qui joue sur les non-dits et qui a parfaitement compris le personnage de Max, pour récolter aussi les fruits du travail de Max.

Le personnage de Bernard Fresson, Abel, est remarquable en ferrailleur minable face à Max, grand seigneur, et face à Lily dans une relation triangulaire pour laquelle Sautet ne se prive pas d'en accentuer les écarts.

Au final, "Max et les ferrailleurs" est un polar noir atypique baignée dans une musique de Philippe Sarde efficace. La surprenante chute finale ne cessera jamais de me hanter sur la complexité du personnage de Max dont on avait cru tout comprendre …

JeanG55
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le 14 mai 2023

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JeanG55

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