Médée Miracle par Queen-Bitch
Dans son dernier film, Tonino de Bernardi s'attaque au mythe de Médée, épouse délaissée par Jason qui pour se venger tua ses propres enfants, et le transpose dans notre époque, un pari toujours périlleux : l'adaptation d'une œuvre ancienne en histoire contemporaine peut parfois avoir l'effet inverse de celui escompté et éloigner le mythe au lieu de le rapprocher. Ici Médée devient Irène, interprétée par Isabelle Huppert, femme de l'Est venue vivre en France pour épouser Jason avec lequel elle tient un bar dans lequel elle chante tous les soirs. Comme dans la tradition grecque, Jason la quitte pour la fille d'un homme puissant et de la même nationalité que lui. Seulement dans cette nouvelle version, le meurtre des enfants reste un fantasme, un désir refoulé. Reste intacte la souffrance de la protagoniste, femme abandonnée, étrangère rejetée, mère à qui l'ont veut retirer ses enfants.
Articulé en deux parties, la première elle-même subdivisée en une dizaine de sous-parties, le film commence après le divorce entre Irène et Jason, quand celui-ci est en train de se remarier. Utilisant ses dons de magicienne, Irène est prise dans une routine d'autodestruction : tous les soirs elle séduit un homme différent dans l'espoir de rendre Jason jaloux. Et tous les soirs elle chante la même chanson : un réarrangement de Crazy Love de Marianne Faithfull et Nick Cave qui fait tristement écho à son histoire. La descente vers les abîmes de la dépression est magistralement mise en scène par le réalisateur et subliment interprété par Isabelle Huppert. La Médée du film se retrouve emprisonnée dans un pays qui pourtant la rejette, immobilisée par sa dépression et sa volonté de rester avec ses enfants alors même que la ville et la proximité avec Jason la tuent.
Entre violence et grâce, fureur et fragilité, Médée Miracle propose une lecture moderne du mythe, dont la justesse et la pertinence du propos en vient presque à être dérangeante. Une œuvre troublante et belle digne de ses ambitions mythiques.