SPQR : Sacrée Pagaille, Quelle Rigolade.

Séance vue en IMAX, c'est une expérience de vie. Megalopolis est éléphantesque, chaotique, ridicule et drôle malgré lui, pour résumer "aussi ignoble que fascinant" : un nanar à gros budget (oui, on ose). On a saigné des yeux devant des effets spéciaux ratés, devant des scènes d'hallucinations qui ressemblent à un bad-trip sous coke du scénariste plutôt que du personnage (on a rigolé comme des baleines, malgré le sérieux du film), devant une continuelle vague de délires qui sont restés des mystères tout le film durant. Il y a cette infernale voix-off qui nous sur-explique tout, lit tous les cartons, sauf un (sans aucune raison : ils l'ont juste oublié...), il y a ces deux phrases dialoguées en latin qui ne reviennent jamais dans le film, il y a des effets sonores de cartoon, des métaphores visuelles lourdingues (

l'effondrement des valeurs de la Justice et des Lois : deux statues en numérique mal faites qui s'écroulent à côté de César

), il y a cette copie de Taylor Swift qui se multiplie (ah oui, certaines personnes ont des super-pouvoirs, mais on n'a rien compris à "qui / quels pouvoirs / pourquoi certains n'ont rien", ne nous demandez pas), et s'enchaîne avec la prise du Capitole (car oui, pour ceux qui l'ont loupé : Clodio, c'est Trump) en cinq minutes, il y a l'énumération des valeurs de l’Évolution qui associe le mot "Les Dieux" avec l'illustration...d'Hitler et autres dictateurs (allez, ça, c'était gratuit), il y a Robin des Bois qui sort des

flèches de son slibard (et les flèches étincellent : ça fait "chting !" comme dans un dessin animé)

et qui les tirent dans le c*l d'un autre personnage... On n'a pas bu, ce ne sont que quelques extraits choisis de ce qui compose les 2h15 chaotiques (mais captivantes, pour de mauvaises raisons) de ce Megalopolis. On regrette quand même le charcutage de la scène de l'interview de César (quand il est dans un encart réduit en bas de votre écran) : la scène d'origine (à Cannes) faisait dialoguer Adam Driver avec un journaliste physique (qui montait sur scène), mais évidemment cette intervention n'était pas possible dans les cinémas. Ils ont donc coupé toutes les questions sauf la première, ils ont coupé toutes les parties de réponses où Driver regardait en direction du journaliste sur scène (vers le bas, donc), collant péniblement tous les éléments de réponses (à des questions qui n'ont pas été posées, donc) avec des flashes d'appareils photos, donnant un discours totalement déconstruit, incompréhensible, qui termine par "et pour répondre à toutes ces questions..." (qui n'existent plus, donc)... Un vrai charcutage, les cinq minutes qui manquent entre la version "originelle" de Cannes (2h20) et celle des cinémas (2h15) sont là (si certains se posaient la question des "5 minutes qui ont sautées"). Coppola nous livre sa relecture de Metropolis mixée avec un drame romain (alliances, trahisons, mariages) dans une "Nouvelle Rome" futuriste dont les personnages sont assez vite identifiables : Adam Driver s'inspire beaucoup de Coppola lui-même, dont la perte de sa femme l'a marqué, et dont la belle morale de

se raccrocher aux gens "vivants" qui nous entourent pour continuer à avancer, sans oublier ceux qui ont partagé notre vie jusque-là

, est vraiment touchante : on sent à chaque seconde que Megalopolis est l’œuvre d'une vie pour Coppola. Il offre même un retour en robe et talons hauts à un Shia LaBeouf totalement déchaîné, qui semble jouer dans un film, mais pas celui-ci (cet homme est dingue, et malgré ses frasques personnelles, on a vraiment beaucoup aimé le revoir dans ce rôle de "Clodio-Trump" : le mec qui se prétend du peuple mais a reçu l'argent et le nom de la boîte à Papa, flatte les foules aux drapeaux de Confédérés américains et qui refont la Prise du Capitole après une fake-new de Clodio, etc...). Nathalie Emmanuelle est radieuse (quand elle n'a pas des dialogues interminables : "Vous avez un microscope d'étudiant ?" / "Oui, mais je l'ai vendu depuis des années, et..." / Nous : "Mais, on parlait de relations publiques, pourquoi ça discute microscope, tout-à-coup ? On s'en f... !"), et évidemment la part belle va à Adam Driver qui a des scènes d'hallu totalement délirantes et kitchs (les mains indiennes qui lui sortent du dos, les déclinaisons de sa têtes enturbannée avec la musique indienne, la descente d'escalier en caleçon avec la caméra en contre-plongée qui met en valeur un certain endroit de façon totalement gratuite : que de fous-rires dans la salle). C'est censé être sérieux, mais le ridicule absolu qui s'ignore avec des effets spéciaux ratés et un scénario qui part dans tous les sens (la marque des bons nanars), ceci a fait bien rigoler toute la salle, nous avec (la scène Robin des Bois, on n'était pas prêt). Coppola, tel un empereur romain mégalo qui quitte ses fonctions, nous a laissé son film-fleuve chaotique : SPQR, Sacrée Pagaille, Quelle Rigolade.

Aude_L
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Nanars...vous avez dit Nanars ? (et bis / WTF / nazisploitation, etc...)

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le 26 sept. 2024

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Aude_L

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