La nouvelle œuvre de Coppola avec ses arcs narratifs denses et superposés peut être vu comme un objet de discours (mais pas une leçon de morale) sur la fondation d’une civilisation, son acmé, sa déliquescence et ses tensions internes entre les différentes figures de pouvoirs qui la constitue dans le temps et dans l’espace.
Mais même si cet aspect du film fait écho à notre époque instable, Coppola l’alchimiste sans âge qui regarde l’arc du passé et du futur dans ce matériau magique appelé Mégalon nous dit bien autre chose par la bouche de César son double fictionnel, maître des horloges et philanthrope, il nous lègue son testament d’amour universel.
Amour, douleurs et deuils, ces fantômes que l’homme nommé Francis Ford Coppola n’a jamais cessé de côtoyer et d’écouter par l’intermédiaire de ce médium appelé cinématographe ; de Marlon Brando dans Apocalypse Now à Val kilmer dans Twixt, Coppola et ses doubles fictionnels ont tissé durant cinq décennies un fil rouge appelé mélancolie qui part du zénith d’une vie à son nadir.
Certains spectateurs trouveront cette débauche de moyens technologiques écœurante, mais Coppola, le cinéaste, maîtrise tellement son métier, qu’il peut se permettre d’inventer encore de nouvelles prouesses cinématographiques en regardant à la fois du côté de Méliès et de l’IA.
Reste cette magnifique mélancolie, fantôme tenace de toute son œuvre, des « gens de la pluie », en passant par « les jardins de pierre », « Tucker », « Peggy Sue s’est mariée », « Coup de cœur », « Twixt » et maintenant Mégalopolis, film du nadir d’un très grand du cinéma, artisan et artiste, homme sans âge et homme proche de sa fin terrestre ; Mégalopolis à la fois l’œuvre testamentaire d’un homme âgé et un film d’une folle jeunesse.