"Megalopolis", ou la dernière arlésienne signée Francis Ford Coppola. Le réalisateur tentait de faire ce film depuis des décennies, plus personne n'y croyait. Après un tournage réputé catastrophique, où une bonne partie du personnel technique a été virée. Après des errements financiers, où Coppolar a du grandement mettre de sa poche pour assurer la distribution. Voilà que débarque la chose... avec un bel échec critique et commercial. Clairement mérité selon moi.
"Megalopolis" se situe dans une Amérique alternative, fortement inspirée de la Rome Antique. Un architecte, Catilina, tente de mener un projet immobilier révolutionnaire, contre l'avis du maire, Cicéron.
Point positifs : Adam Driver et Aubrey Plaza font le taff. Et Il y a des idées ambitieuses, notamment dans les séquences oniriques, avec quelques plans qui en jettent. Le reste, au secours.
La distribution est sur le papier au top. Néanmoins la plupart se vautrent allègrement. Mention spéciale à Shia Labeouf, impossible à prendre au sérieux (je crois à fond aux rumeurs comme quoi il n'était pas dirigé sur le plateau). Ou John Voight, dont notamment sa ridicule scène avec l'arc.
Le montage est une catastrophe. Il n'y a aucune cohérence de récit, des ellipses étranges entre les scènes... On ne croit jamais à la romance entre Catilina et Julia, la fille du maire. D'ailleurs le récit n'intéresse pas Coppola tant il est foutraque. Par exemple cette capacité à arrêter le temps, qui au-delà de sa portée symbolique ne servira strictement à rien.
Question écriture, le scénario a 30 ans de retard. L'idée d'une Amérique alternative ne sert qu'à éviter de s'embêter avec les aspects de la vie moderne. On nous sort ainsi des plateaux TV, des satellites soviétiques, et j'en passe. Les dialogues abscons et pompeux n'aidant pas à masquer le manque d'effort.
Sur la mise en scène, il y a quelques images qui sauvent les meubles, mais le reste est tellement moche... Les CGI sont dégoûtants, pas étonnant qu'aucun distributeur n'en ait voulu. Plus les rues & décors vides. Plus l'absence quasi-totale de mélange entre moderne & antique, pourtant objet du film (quelques costumes et chaises, et basta). La photographie délavée et jaunâtre relève de l'immonde, on se croirait par moment dans les affres numériques de la prélogie Star Wars.
Les cinéphiles avertis repèreront quelques "références" (oserais-je dire copies ?) qui montrent qu'il ne se sont pas foulés question hommage. Voir la scène de rencontre entre Julia et Catilina sur fond de petit déjeuner, décalquée d'une scène quasi identique dans "The Red Shoes".
Surtout, il y a ZERO subtilité.
Le parallèle entre les USA et l'Empire Romain est directement enfoncé dans notre crâne, voix-off éléphantesque à l'appui. Ils n'ont même pas pris la peine de déguiser les noms des protagonistes. On a même le droit au célèbre discours de Cicéron, tel quel ("Quosque tandem abutere, Catilina, patienta nostra !").
Et il est clair que Coppola se voit lui-même à travers le personnage de Catilina. Artiste visionnaire, intègre, qui combat les opportunistes et les politiciens pour asséner son génie irréfutable. Que c'est pompeux... et mégalo.
"Megalopolis" est donc un film ultra ambitieux sur le papier, qui s'est monstrueusement pris les pieds dans le tapis dans son exécution.