Depuis Saint Jean l’Evangéliste, l’homme ne cesse d’imaginer la fin des temps. La question est liée à la condition humaine qui se sait mortelle mais les découvertes scientifiques du XXème siècle, de l’étude du climat en passant par le nucléaire militaire jusqu’aux recherches en astrophysique ont souvent alimenté l’imaginaire.
L’art a trouvé dans l’Apocalypse un sujet d’étude sans fin qui a créé des œuvres fortes, il suffit de songer au retable d’Isemheim.
Seulement, dans la foi catholique , l’Apocalypse est une révélation, un passage pour permettre l’avènement de la Jérusalem céleste.
Il y a encore quelques années, le films évoquant l’apocalypse comme par exemple « La 7ème prophétie » se contentaient de jouer avec la peur du spectateur ; le Christ revient sur terre et après un moment de découragement bien compréhensible devant l’homme en proie au mal, il décide cependant de le sauver In Extremis. Parfois, on jouait avec la peur de l’autre capable d’anéantir l’homme comme « Independence Day » ou « La guerre des mondes » ou la peur des éléments avec les mêmes résultats comme dans « Armageddon ». Alien ou météore, l’Homme, après une grosse frayeur, échappait de justesse à l’apocalypse grâce à son courage et à sa bravoure aux meilleurs temps du cinéma américain, plus tard grâce à la nature comme dans la « guerre des mondes » où ce sont les bactéries qui viennent à bout des envahisseurs de l’espace.
Depuis quelques années, il me semble noter un changement net dans ce type de cinéma qui est évidemment révélateur de l’état d’esprit du monde occidental.
Que ce soit « 2012 » où la planète est presque entièrement détruite avec une partie de l’humanité et dont les images se complaisent à nous montrer ces destructions ou dans « Mélancholia » de Lars Von Trier où la terre est percutée par une météore et détruite entièrement, le cinéma se fait plus pessimiste, porteur d’un message d’Apocalypse sans espoir .
Dans ce dernier film, le réalisateur nous montre même combien il est important d’accepter la destruction de l’humanité : ce n’est qu’à ce prix qu’on domine sa peur, la tristesse de la condition humaine… L’une des héroïnes, dépressive, essayant vainement de faire bonne figure en société et qui n’arrive pas à être heureuse le jour même de son mariage, reprend de l’assurance devant l’échéance annoncée, car enfin l’histoire du monde va rentrer en résonance avec son peu de goût pour la vie, alors que sa sœur, pleine de vie et l’aimant, va paniquer devant l’idée de sa destruction et sera la seule à pleurer lors du moment fatidique . La musique de Wagner : la mort d’Isolde, accompagne superbement ce poème du désenchantement, cette abdication heureuse devant la vie, cette exaltation de la destruction – l’opéra rappelons-le se termine par ces mots : « être submergée, m’engloutir, inconsciente !...Joie suprême ».
https://www.youtube.com/watch?v=7tLq5FZ0xlY&list=RD7tLq5FZ0xlY&start_radio=1
Voici à mes yeux le produit d’un monde sans foi, le réalisateur ne faisant pas mystère de son athéisme, d’un monde sans espoir où on préfère imaginer avec une certaine complaisance la fin du monde, où même on donne à l’art la fonction de penser la disparition de l’homme
Bien entendu parallèlement à ce cinéma pessimiste on voit se développer un cinéma totalement opposé je pense à « l’arbre » de Julie Bertuccelli ou au superbe « arbre de vie » de Térence Malick. Ils ont en commun avec « Mélancholia » la beauté esthétique et la puissance cinématographique, mais exaltent toutes les valeurs abandonnées par ce dernier.
Espérons que la tendance laissera encore la place à ces œuvres qui, sans tomber dans la leçon bêtifiante et la facilité donnent encore au monde et à l’homme un avenir…