Van Trier s'amuse à railler les conventions bourgeoises et les représentations communes comme un enfant détruirait un chateau de sable un soir sur la plage. Sans se mentir, c'est assez jouissif, en plus d'être esthétiquement soigné. Le film gagne en complexité à mesure que le film avance, avec un jeu de symétrie entre les deux soeurs protagonistes, où le spleen de l'une croise la détermination de l'autre dans des situations opposées. Le pivot intervient avec la conscience de la destruction imminente de la civilisation par une planète météorite. Cet évènement pose aussi la question au spectateur: qu'est-ce qu'on perdrait avec l'apocalypse? On sent que la perspective fait jubiler LVT. C'est comme toujours déroutant et intense, même si ça manque un peu de finesse et d'originalité d'un point de vue idéologique, à mon avis. LVT se comporte comme un cynique/ nihiliste de la 25ème heure, qui se plaît à démystifier les bienséances trois siècles après Sade. Si son but était de se faire plaisir, de tirer sur une ambulance et montrer la vacuité d'une existence aiguillée par les représentations bourgeoises, c'est un strike. S'il voulait interroger la valeur des normes humaines en général ou montrer la malignité des sociétés, c'est un peu grossier de s'appuyer la frange la plus détestable de ces dernières pour y parvenir. Mais ce film a toujours l'avantage de nous conduire à une introspection sur nos automatismes et nos représentations non questionnées, et c'est toujours précieux!