Quel désespoir…
Le grand tour de force de Trier dans la première partie du film - qui se passe pendant le mariage du personnage principal (Justine) -, c’est de faire ressentir ce sentiment de malaise, de rejet de tout; cette envie de disparaître absolument angoissante qui peut apparaître quand on se sent mal au milieu d’une fête. Ce sentiment est si universel et si bien amené…
La temporalité est totalement fragmentée par les plusieurs éclipse de Justine, qui trouve tous les prétextes pour sortir de la soirée. Cette fragmentation amènent à un sentiment d’épuisement, qui se lit aussi bien sur le visage de Justine.
Le film remet aussi en question la cérémonie - le spectacle insipide - du mariage, par le personnage de la mère de Justine, qui n’hésite pas à dire que les mariages, ça la fait chier. On retrouve encore une fois cette distance entre Justine et sa mère et le reste de la petite société présente au mariage.
Il y a une scène qui m’a particulièrement marquée: c’est lorsque, lors de l’une des éclipses de Justine, elle est rejointe par son mari. Il lui déballe alors des rêves merveilleux à propos d’un terrain à acheter dans leur futur. Il lui montre une photo du dit terrain. Il s’emballe et commence à parler au futur. Justine lui répond simplement « on verra ça au moment venu », puis elle glisse la main de son mari entre ses cuisses pour changer de sujet, elle feint de vouloir baiser. Puis elle part en rigolant, laissant la photo sur le fauteuil.
La souffrance dans le regard du mari est si significative, cette situation est tellement représentative de la peur de s’engager, de la lutte du présent (le désir sexuel) contre les rêves (le terrain)…
Vous me dirai « mais, c’est un film sur l’apocalypse, parbleu ! »
Je vous répondrai que je ne vous ai pas encore parlé de la seconde partie du film, toute aussi extraordinairement pesante et désespérée que la première.
Je suis sûr que tout le monde à déjà rêvassé à la fin du monde. Quand j’étais petit, c’était quelque chose qui me terrifiait, j’en avais la boule au ventre quand j’imaginais un grand flash au loin, et puis plus rien du tout.
Quelle est la différence entre mourir, et mourir en même temps qu’absolument toute la planète sans pouvoir rien faire? Qu’est-ce que ça fait que de voir une planète grossir et grossir pour finir par prendre toute la place du ciel?
Cet infini désespoir qu’on peut ressentir à l’idée seule que notre fils, notre sœur, notre père ainsi que toute la vie de l’univers puissent mourir dans quelques heures; et bien je vous jure que, parmi tous les films apocalyptiques que j’ai pu regarder, c’est le seul qui m’ait fait ressentir ce vertige, ce désespoir absolu, ce sentiment d’impuissance cosmique. Oui, les personnages sont plein de doutes, de « peut être qu’elle va passer à côté ? ». Non. Elle ne passera pas à côté. On le sait depuis le début du film. Elle ne passe jamais à côté.