Je te rassure, toi qui aimes les ambiances humides, il pleut dans ce film. Mais pas que.
Je me souviens que j'y étais allé sans trop y croire. On avait tout vu, c'était pas des nouaches qui allaient nous foutre sur le derche avec une histoire de tueur en série. Nan mais oh ! C'est nous qui avons les plus grands dégénérés de l'univers! Émile Louis, il n'était pas pakistanais. Et Landru, il était tunisien? Faites pas chier ! Et c'est pas dans le traitement ou la forme que vous allez m'en boucher un coin.
Crois-moi, j'en aurais mangé ma casquette en sortant.
On s'intéresse à une histoire vraie dans un pays, la Corée du Sud du début des années 80, écrasé sous une chape militaire. Une enquête cul-de-sac sur un mec qui viole et qui tue des femmes. Une enquête affligeante d'amateurisme et on ne l'habille, ici, d'aucun artifice.
Ça serait presque drôle si ce n'était pas si triste. Du gamin-perroquet aux claques ou coups pieds qui partent comme si tu t'étais trompé de tribune. Quoi ? Ici on doit avoir une moustache, sentir le kebab et avoir des ceintures à la main ? Merde, j'ai pas l'air con avec ma calvitie de la lèvre, mon crâne en peau de fesses et mon maillot avec Weah collé dans mon dos...
On préfère s'abîmer dans le quotidien, son effarante réalité, palpable presque, et cette horreur d'enquête bâclée, à coup d'interrogatoires grotesques, de scènes de crime souillées par une police archaïque.
Il y a cette litanie des meurtres, ce rythme et cette absence de voyeurisme.
Voir un corps, sans vie, abandonné dans un trou ou dans un champs, ça n'a rien de sexy.
J'avais personnellement passé un cap, je n'étais pas nécrophile.
On croit au Salut, enfin, quand le flic des villes rejoint le flic des champs. Un instant seulement. Lui et son bagage arrivant trop tard sûrement, le tueur ayant eu tout loisir de peaufiner son œuvre à l'abri de l'incompétence crasse, ce bouillon de culture où il s'est fortifié.
C'est filmé comme si le réalisateur avait un pinceau et qu'il caressait la toile, c'est habité de rôles et de seconds rôles épais et humains, c'est tendu, profondément angoissant et incroyablement beau au final.
On peut rester pantois devant tant de maîtrise, devant cette précision, ce refus obstiné de verser dans le spectaculaire, dans ce tape à l’œil putassier, cette complaisance dans l'abjection, devenus, au fil du temps, les principales cases à cocher d'une croix dans les colonnes du cahier des charges du film de serial killer. Comme si la formule éprouvée maintes fois était magique et assurait à elle seule le succès. Comme si, avec des meurtres biens dégueulasses et de la pluie, le tour était joué.
Ah cette flotte !
Après la séance, je suis rentré chez moi à cloche-cul, sur mon derche.
Sinon, une fois la visière passée, la casquette, ça s'avale fastoche.
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