La traque d'un tueur en série qu'à l'époque du tournage du film on n'avait pas réussi à attraper, qu'à l'heure actuelle on n'a toujours pas attrapé, il y a inévitablement quelque chose de fortement frustrant de savoir, qu'à moins qu'il soit mort, un psychopathe est toujours dans la nature...
Bong Joon Ho l'a très bien compris en terminant son film sur une séquence mémorable : un très beau temps, des champs de céréales sur lesquels souffle une brise légère, une belle petite fille... Tous les ingrédients pour réaliser une scène d'apparence apaisante pour brillamment nous montrer que sous le calme règne la tempête. Et cela d'autant plus que l'on apprend que celui qui pourrait être le tueur ressemble à Monsieur Tout-le-monde... Le long documentaire "The Story of Film: An Odyssey" cite cette scène en exemple, ce n'est que justice...
A part cela, on plonge dans l'atmosphère d'une Corée du Sud qui, contrairement à ce que laisse supposer (là encore !!!) les apparences actuelles, n'était guère mieux lotie il n'y a pas si longtemps que son voisin du Nord avec un pouvoir encore dictatorial et une police pas franchement compétente, souffrant d'un manque de moyens évidents (en étant même obligée de faire appel à l'étranger pour effectuer des tests ADN !!!) et du peu de respect de la population à leur égard.
Et on a le droit aussi à une confrontation entre un policier de la ville et un de la campagne... Le premier pragmatique et très porté sur les méthodes scientifiques, le second incompétent, un brin infantile pour ne pas dire stupide, qui croit pouvoir identifier un coupable rien qu'avec son regard (Song Kang-ho magistral !!!). Ce qui est intéressant à voir, et qui fait en très grande partie le sel du film, ce sont les trajectoires psychologiques surprenantes et opposées des deux protagonistes... Devant l'extrême gravité de la situation au fur et à mesure que les cadavres vont s'accumuler, le premier que l'on croyait plus fort mentalement va perdre peu à peu son sang-froid alors que le second va gagner en maturité.
Conséquence, que l'on prenne "Memories of Murder" soit comme un simple film policier, soit comme l'étude d'une société malade, soit comme une étude psychologique, ou plus pertinemment comme les trois à la fois, c'est une très grande réussite.