Memory
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Film de Michel Franco (2023)

Tiens, ça faisait un moment qu’on n’avait pas eu une hallucination collective comme ça, du genre Memory. Couvert de louanges, croulant sous les critiques énamourées (de la presse comme du public), le nouveau film de Michel Franco est pourtant un parfait condensé de didactisme terne et sec, encensé sous couvert d’une réalisation dite «sans artifice», dite «subtile». Avec cette impression pénible, pendant 1h40, de regarder une porte de frigo ou un bac à glaçons. Et ce malgré l’histoire qu’il raconte, une histoire pleine d’humanité, de douceur et de douleurs. L’histoire d’une femme et d’un homme qui se rencontrent, s’accordent, retrouvent confiance et s’épanouissent à nouveau, les deux se trimballant avec des fêlures qui les dévastent, dans leur corps et dans leur tête.

La mise en scène de Franco désincarne tout quand il eût fallu, ici, un souffle, du sensible, du sensuel, pour accompagner Sylvia et Saul dans leur rapprochement en dépit du trauma (pour elle) et de la maladie (pour lui). À la place, Franco préfère mettre une distance qui ne capte pas grand-chose de l’intimité des visages qui se bouleversent, de leurs frémissements soudains, des interrogations et des absences (et pour ça, pas besoin non plus d’aller à l’inverse de Franco, de tomber dans le pathos, le martèlement et la putasserie). Franco filme ses personnages comme on filmerait une expérience clinique : que va-t-il bien pouvoir se passer quand une ex alcoolique victime d’inceste rencontre un veuf atteint des premiers signes de démence ? Filme avec un scalpel plutôt qu’avec le cœur (pour l’empathie, prière de repasser). Et abuse d’un montage trop cut venant briser l’élan narratif et/ou émotionnel de pas mal de scènes qu’on dirait laissées à l’état d’ébauche.

Il faut voir aussi comment sont développés et caractérisés la plupart des protagonistes : soit avec un rien de superficialité, et alors on les trouvera peu intéressants et peu attachants (la fille de Sylvia, sa sœur, le mari de sa sœur, le frère de Saul…), certains n’étant là que pour faire le passe-plat scénaristique, voire la potiche dans les plans, soit de façon très caricaturale. En particulier la mère de Sylvia, figure «gorgonienne» qui ne dit pas son nom mais dont on devine, parce qu’ébauchée à gros traits, le fiel camouflé, l’indignité onctueuse ; ou par rapport à Sylvia dont les séquelles du trauma sont traitées avec des analogies qui finissent par devenir lourdingues à force de redite (l’alarme, le ménage, les portes).

Et puis on en parle, de ce qui est censé être le «climax» du film ? Ce climax où les révélations sur le mal qui ronge Sylvia depuis tant d’années tombe complètement à plat, entravé par un plan séquence statique (et torché en à peine trois minutes, nous laissant à notre frustration face pourtant à un moment émotionnellement chargé) se tenant, là encore, à l’écart des personnages, les observant froidement plutôt qu’en étant avec eux, et où l’on sent les comédiens s’empêtrer dans un jeu artificiel tant la scène est mal écrite et mal pensée. Sans surprise, Jessica Chastain et Peter Sarsgaard, magnifiques, sauvent ce qui peut être sauvé, apportant justesse et éclat à un film qui en manque absolument.

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mymp
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le 7 juin 2024

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