Documentaire guérilla satirique, clairement politisé, donc vu au travers d’une lorgnette particulière, ce qui démarra comme une blague jouée par des amateurs et des victimes filmées est devenue une petite comédie jubilatoire sur l’horreur de la société privatisée. Sur le ton de la rigolade cynique, le film montre d’abord l’exploitation mortifère du fonctionnement financier mondialiste, ciblant l’indécent enrichissement du groupe LVMH et de son seigneur Bernard Arnault, décrivant les stratégies de délocalisation, la misère ainsi structurée de milliers de personnes, la soumission volontaire de tous, victimes comprises, avec bien sûr la complicité du monde politique acheté et corrompu depuis maintenant des décennies.
La seconde partie, plus intimiste, est consacrée à la défense de la modeste famille picarde Klur, mise au chômage, noyée de dettes et à deux doigts de rejoindre l’armée de SDF légalement organisée dans le monde occidental. Fondateur et rédacteur de Fakir, petit journal marginal, et ici réalisateur occasionnel du film, François Ruffin décide de la sauver en interpellant et en rencontrant des représentants du géant industriel. Courriers intimidants, menaces de scandales médiatiques, perturbation des AG, mise en scène des pathétiques « négociateurs » du groupe au domicile des pauvres gens par cameras cachées, ce qui commence par une espièglerie à scandale s’avère bientôt payant et jubilatoire. La hantise de son image commerciale, le mépris du peuple et la misère humaine se révèlent l’apanage de ceux dont ruisselle l’argent, autant qu’apparait lumineuse la richesse de pauvres gens naïfs qui ont gardé le pouvoir de tout savoir vivre, et surtout de rire.