Le propre d'une oeuvre vide, c'est qu'elle devient le miroir de nos pensées. On y projette au choix, notre ennui ou bien notre désir de chef-d'oeuvre. Mais dans ce dernier cas, il va de soi que la beauté qu'on a vue ne vient pas d'elle mais de nous.
J'ai l'air sévère mais peut-être Sokourov ne nierait pas que Mère et fils est plus un film accoucheur que créateur d'émotions (après-tout, on pourrait même revendiquer cette forme d'art).
En attendant, je suis moins réceptif à ce type de cinéma que par le passé et je n'avais pas la force ce soir d'accoucher de belles et nobles émotions . Les plans d'abord, sont si longs et si vides, il ne s'y passe tellement rien que le bourdonnement d'une mouche devient une péripétie. Ou l'aboiement d'un chien. Ou le passage d'un train au loin. Le désœuvrement nous pousse à y mettre du sens. Ce train, bien sûr, c'est la métaphore du monde extérieur qui suit son cours ! Signification élementaire et somme toute assez banale, mais il y a dans ce film où l'enjeu d'un plan de plusieurs minutes est de voir une personne s'endormir, tellement peu d'éléments saillants que le moindre détail devient significatif.
Évoquons par ailleurs la gravité du thème. Elle force le respect bien entendu mais on sait précisément que c'est dans ces circonstances que l'ironie se lâche. A ce niveau le film prête particulièrement le flanc. On est tenté d'inventer des dénouements ridicules aux séquences, on espère en secret être dans un sketch des inconnus et l'on attend le commentaire d'un Didier Bourdon grimé en présentateur du ciné club.
Je comprends parfaitement la hauteur des notes de mes amis cinéphiles. J'aurai pu les suivre en d'autres circonstances mais ici, devant la bienveillance unanime, j'ai envie de poser la question suivante : en attribuant 9/10 à Mère et fils, que notons nous ? La réalité objective de cette oeuvre ou bien L'IDEE que nous nous en faisons ? Ses qualités effectives ou bien les intentions de son réalisateur ? La réalité de la pellicule ou bien peut-être... notre propre amour filial ?