Mes meilleurs copains par pierrick_D_

Une bande de potes quadras,dont l'amitié s'est forgée lors des années 60-70 au sein du mouvement hippie puis d'un groupe de rock qu'ils avaient formé,est en émoi car leur copine d'alors,la canadienne Bernadette Legranbois,dont ils étaient tous amoureux à l'époque et qui est devenue une star de la chanson,vient faire une tournée en France.Tous vont se retrouver pour un week-end dans la grande maison de l'un d'eux,l'occasion de se remémorer le passé et de faire le bilan de leurs vies.Le film de "bande de copains" est devenu un genre à part entière à partir des années 80,et celui-là est un des plus réussis.Produite par l'excellent Christian Fechner,cette comédie post-Splendid est réalisée par un des complices habituels de la célèbre troupe,Jean-Marie Poiré,qui cosigne en outre,comme il l'a souvent fait,scénario et dialogues avec son acteur vedette Christian Clavier.Le film présente la particularité de ne pas seulement être drôle mais d'adopter un ton tragi-comique inhabituel dans le genre.C'est plein de situations marrantes,de punchlines tordantes,mais l'émotion et l'amertume sont toujours en embuscade,empêchant l'histoire de tomber dans la guignolade.Il s'agit d'une exploration aigre-douce des aléas de l'amitié,avec ses trahisons,ses égoïsmes,ses engueulades et ses réconciliations parce qu'au fond ces mecs s'aiment en dépit de leurs divergences et de leurs contentieux,et qu'ils ne peuvent se passer les uns des autres.Mais il n'y a pas que ça car l'oeuvre se double d'un constat cruel,celui de l'hypocrisie et des échecs d'une génération,celle des soixante-huitards,ces fils de bourgeois qui ont cru pouvoir "changer le monde",se sont éclatés pendant des années à vivre leur utopie,avant de rentrer dans le rang et de redevenir les bourgeois qu'ils étaient à l'origine.Tout y passe au fil de flashbacks bien menés qui décrivent les rencontres qui ont créée et modelée la bande,la façon dont le groupe a évolué et les expériences traversées.La musique,les drogues,l'amour libre,la contre-culture,les happenings,les pièces d'avant-garde jouées dans des usines,les road trips en Inde ou au Népal.Poiré et Clavier tapent dur et se délectent à dénoncer ce qui n'était qu'une volonté de jouissance et un délire émancipatif très individuel.Les gars font du rock et du théâtre mais sont des artistes minables,ils prônent la liberté sexuelle mais,rongés par la jalousie et le sentiment de possession,se battent pour une gonzesse,les ouvriers qu'ils prétendent défendre sont loin de leurs théories débiles et les rejettent violemment,l'abus de stupéfiants finira par provoquer des drames et sonnera la fin de la grande récré pour ces parisiens des beaux quartiers qui rentreront alors sagement dans le rang.Jean-Michel est devenu dentiste,comme ce père avec qui il a violemment rompu autrefois,Richard est un entrepreneur blindé et ultra matérialiste,Guido,le champion de la dope,est cadre sup chez Contrex et adepte forcené de la vie saine,Antoine est toujours metteur en scène de théâtre,mais à un haut niveau et dans le classique,tout en se gavant de subventions publiques.Reste Dany,le seul de l'équipe à avoir eu un vrai talent de musicien,qui est resté le même,ce pauvre type ramolli,largué et lunaire qui vit aux crochets de Richard et synthétise le passé de la bande et sa mauvaise conscience,celui qu'on garde avec soi pour se souvenir en quelque sorte.Bernadette,celle qui a concrétisé l'ambition musicale du groupe,est quant à elle une vedette flippée,un peu has-been,bien loin de la petite québécoise insouciante du Quartier Latin qui faisait battre les coeurs et couchait avec tout le monde.Ce week-end mouvementé servira de catharsis pour tout un chacun et soldera les comptes avec le passé,entre tendresse et amertume.La distribution est fastueuse et réunit l'élite des comédiens eighties.Clavier est magistral dans ce rôle qu'il connait si bien,celui du bourgeois coincé qui voudrait bien, sans en être capable, vivre les utopies gauchistes,et qu'il a pu tenir dans des films comme "Les babas cool" ou "Je vais craquer".Gérard Lanvin dévore l'écran comme de coutume en faiseur de fric flamboyant et queutard compulsif attaché à son confort.Jean-Pierre Bacri est délectable en homo sous pression qui n'a pas baisé depuis 83 et l'apparition du SIDA,qui se défoule par la pratique intensive du sport.Philippe Khorsand fait le show en théâtreux torturé et éternel cocu qui emmerde tout le monde avec ses états d'âme et ses questionnements.Jean-Pierre Darroussin est évidemment l'acteur idéal pour incarner le rescapé débranché d'une époque révolue qui vit pour toujours dans un rêve opiacé où tout est beau et cool.Bernadette,c'est l'énergique canadienne Louise Portal en personne,l'intello nympho du génial diptyque de Denys Arcand "Le déclin de l'empire américain" et "Les invasions barbares".De très bons seconds rôles apparaissent ici et là,à l'image de Marie-Anne Chazel,rigolote en copine psy compréhensive,Didier Pain en requin du showbiz pragmatique qui maîtrise ici l'accent québécois comme il prendra l'accent provençal plus tard dans "La gloire de mon père" et "Le château de ma mère",Elisabeth Margoni en femme sérieuse que l'alcool et la came vont rendre hystérique,Jacques François en père noble et sévère ou la charmante Yolande Gilot,épouse trompée de Richard, qui abandonnera la carrière de comédienne peu après.