Mes séances de lutte par pierreAfeu
Pas de doute, on est chez Doillon : un couple qui s'asticote, un lieu quasi unique, la douleur d'aimer en litanie, le tout avidement dialogué, tout l'univers du cinéaste est là. Les corps des acteurs aussi, toujours en mouvement, bousculés, maltraités.
Ce qui change, c'est ce rapport aux corps devenant sujet du film. Les luttes ne sont plus seulement verbales, mais explicitement physiques. C'est en vérité le seul véritable intérêt de Mes séances de lutte. Pour le reste, Doillon convoque ses copains les vieux démons, et fait son habituelle petite cuisine à base de mal-être, de règlements de comptes et d'impérieux besoin d'aimer et d'être aimé en retour.
On a donc deux personnages. Quelques temps plus tôt, ils n'ont pas couché ensemble. Elle revient vers lui alors qu'elle bataille avec son frère et sa sœur après la mort de son père. La lutte physique devient l'échappatoire de ses douleurs. Comme un entraînement dont lui serait le coach. L'idée est plutôt bonne, d'autant que les luttes sont muettes. Mais Doillon ne peut s'empêcher d'écrire des dialogues, d'imaginer des personnages en constante auto-observation, expliquant sans cesse, parlant toujours.
L'aspiration du cinéaste est donc double : innover sans changer. et c'est là qu'il se plante. Si les dialogues sont, comme toujours, bien écrits [et pas idiots], ils sont la plupart du temps parfaitement inutiles [pour l"histoire qu'il nous raconte ET pour le cinéma]. On a déjà entendu ça. On se lasse.
En revanche, les luttes sont très réussies, magnifiquement menées par Sara Forestier et James Thiérrée, admirablement filmées par un Doillon qui sait y faire. Comme on regrette alors qu'il n'ait pas lâché son stylo pour s'abandonner totalement à ces chorégraphies des corps qui se cognent, se frappent, se mettent à nu. Forestier et Thiérrée râlent, crient, se griffent, prennent des bleus. Ils sont beaux. Ils sont justes.
L'affiche de Mes séances de lutte laissait espérer le meilleur. Elle reprend d'ailleurs la scène la plus réussie du film. Au final, la déception domine, malgré d'indéniables qualités.