Metro Manila par DelSpooner
Oscar vit avec sa femme et ses deux filles dans les montagnes de Banaue, au nord des Philippines. N'ayant plus assez de récolte pour pouvoir vivre correctement, arnaqués par les fermiers du coin, Oscar et sa famille quittent leurs terres pour plonger dans l'enfer de Manille. A peine arrivés, ils assistent à l'enlèvement d'une jeune femme en pleine rue, se font dépouiller par des voyous, se retrouvent à dormir dans un bidonville. Ils n’ont plus d’argent, leur fille doit se faire soigner une dent, ils doivent trouver un travail.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser au premier abord, Sean Ellis (Cashback, The Broken) ne tombe jamais dans le piège du drame misérabiliste et tente avant tout de confronter l'innocence et l'ignorance de cette famille, à la violence et la cruauté du quotidien de l'une des plus grandes métropoles d’Asie du Sud-Est. Evacuant rapidement la question d'une dualité ville/campagne qui serait malvenue (la vie à Banaue est tout aussi difficile), Sean Ellis place au centre de l’histoire un personnage de père de famille auquel on peut s’identifier, car en total décalage avec ce qu’il se passe autour de lui. Prêt à tout pour subvenir aux besoins de ses proches, il va jusqu’à s’engager dans la profession la plus dangereuse de Manille – convoyeur de fond – alors que sa femme est malencontreusement attirée dans un bar à prostituées.
Dans ce pays où les croyances religieuses ont une grande place, un des personnages dit qu'il est impossible de gagner, mais que ce qui compte c'est d'avoir l'espoir de gagner. Constat fataliste qui va stopper Oscar en plein vol, alors qu’il pensait avoir mis sa famille à l’abri en donnant sa pleine confiance à son collègue convoyeur. On se doute que l’issue sera tragique, même si on veut y croire, même si on a l’espoir que cette famille gagne enfin.
Sean Ellis sait filmer les rues et les bas-fonds de la capitale philippine avec une précision quasi-documentaire, tout en orchestrant des purs moments d’action, notamment grâce à une très bonne gestion des valeurs de plan, instaurant ainsi une tension parfois aussi suffocante que la ville elle-même. On retrouve également quelques envolées poétiques chères au réalisateur, accompagnées par une musique d’une douceur et d’une beauté rares, comme des pauses dans un récit où les respirations se comptent sur les doigts d’une main. Mais, à l’image de la magnifique scène de la douche, c’est comme si ces instants ne pouvaient durer, rattrapés trop rapidement par le quotidien sordide dans lequel sont plongés les personnages. Malgré tout, dans son final sacrificiel, le film laisse entrevoir une ouverture optimiste, où l’espoir de « gagner une vie meilleure » est peut-être devenu une réalité.