... as you perform by night."
Meurtre dans un jardin anglais (ou The Draughtsman's Contract) est un film largement inclassable, évoluant au travers de différents styles et poursuivant des objectifs variés avant de se refermer comme un piège dans les dernières minutes. La longue introduction en plans fixes (que Peter Greenaway aurait aimé faire durer plus d'une demi-heure, contre l'avis des producteurs) donne le ton, et on est dans un premier temps totalement paumé, comme abandonné au milieu d'un univers dont on ne comprend pas grand-chose. Le ton est partagé entre l'humour et l'inquiétant, suscitant des sentiments très divers : à titre personnel j'aime beaucoup être malmené de la sorte, quand de manière très subjective le jeu en vaut la chandelle.
Peu à peu la situation s'éclaire : à la fin du XVIIe siècle dans un grand manoir anglais, une famille issue de la haute noblesse invite un peintre-paysagiste réputé à venir effectuer douze dessins du domaine du mari. La contrepartie n'est pas que pécuniaire : madame s'engage à satisfaire l'appétit sexuel du peintre une heure par jour. Pendant longtemps, on se laisse guider dans cette ambiance étrange dont on ne comprend pas les vraies contraintes sous-jacentes, mais lorsque le mystère se dissipe, le film fait l'effet d'un joli coup de fouet.
Le personnage du dessinateur, le jeune Neville, compose un caractère savoureux, constant dans son indolence et dans ses excès tandis qu'il profite et abuse de l'hospitalité offerte par madame en l'absence de monsieur. Il ne comprend pas ce qui est en train de se tramer, il le comprendra bien trop tard d'ailleurs, et toute l'intrigue autour des 12 dessins est jalonnée par la présence de détails insignifiants en apparence (et en apparence seulement) : un vêtement sur un arbre, une paire de bottes, une échelle contre un mur, autant d'accessoires qu'il reproduit fidèlement et presque scolairement.
Et Greenaway de déployer un humour noir dans un formalisme très singulier, entre étude psychologique et énigme policière, entre marivaudages pervers et réflexions artistiques tout en perruques, riches costumes et chandelles. Les dialogues sont en outre un festival de bons mots et de traits d'esprit, de répliques cinglantes et de sous-entendus ravageurs. Il y a les remontrances directes : "When your speech is as coarse as your face, Louis, then you sound as impotent by day as you perform by night" ; les tirades grivoises faussement distancées : "You must forgive my curiosity, madam, and open your knees" ; ou encore les accès de burlesque : "Why is that dutchman waving his arms about? Is he homesick for windmills?". Au final, c'est davantage la construction de l'intrigue qui importe plutôt que l'intrigue elle-même, et cette vanité potentielle constitue à mes yeux la principale limitation.
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