Je craignais qu'avec Moretti, le sujet pourtant si fort et universellement connu de la perte d'un parent, soit traité avec trop d'humour mal placé. Car s'il parvient à être souvent émouvant, le cinéma de Nanni Moretti, en plus d'être trop personnel car semi-autobiographique, a tendance à verser dans cet humour un peu guignolesque et grotesque dont sont friands les Italiens.
Si quelques scènes donnent parfois cette impression d'une bouffonnerie - notamment les scènes avec John Turturro qui, s'il est très bon acteur, n'a pas une présence si utile et efficace dans ce film -, c'est une ambiance calme, posée et triste qui s'installe progressivement.
Nanni Moretti, affecté par la mort d'un parent, a décidé d'exorciser son chagrin par ce film, dans lequel il est en retrait, duquel il s'écarte volontairement. S'il se donne en effet, on peut le reprocher, le rôle du frère carré, qui a tout saisi, il semble avoir trouvé sa juste place.
Et cela se ressent dans son film, souvent grave, jamais tragique, jamais larmoyant, toujours émouvant.
Le ton est juste, de belles scènes se succèdent et mettent en avant, par une absence de style explicite, la partition des comédiens.
A commencer par l'héroïne, touchante en femme débordée, un peu paumée. Si son immaturité agace un peu à certains moments, son jeu est délicat, sensible, respectueux et humble.
Moretti balade son film entre passé et présent, entre rêves et réalité, fait danser ses comédiens dans de belles scènes chorégraphiées (on pense à ce court moment où l'équipe technique suit, tel un troupeau son berger, la réalisatrice dont ils attendent les indications, ou encore cette scène où la jeune fille tisse un lien, par une danse avec son scooter, entre son père et sa mère séparés, ou enfin la drôle et maintenant presque culte, danse de Turturro). D'un style effacé et peu remarquable, il tire pourtant une mise en scène d'une rare intelligence dans laquelle chaque personnage à son rôle, créant un ensemble harmonieux, équilibré, dans lequel les spectateurs pourront aisément se retrouver, s'identifier.
Le dernier quart d'heure est en cela exemplaire qu'il révèle le cœur du film dans toute sa puissance, grâce à une fin magnifique, toute en non-dit et en regards humides qui ne pourra laisser personne insensible.