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Le doute et le chaos peuplent les personnages endeuillés. Avec Mia Madre, Nanni Moretti fait retour, dans une autofiction bouleversante, sur l’expérience du deuil. Marguerita Buy, brillante de justesse, y campe le rôle de ce qui semble être un alter-ego du réalisateur lui-même. Faisant face à l’annonce de la mort prochaine de sa mère par les médecins, Marguerita est en même temps confrontée, en tant que réalisatrice, à des difficultés de tournage qui l’amènent à douter de sa capacité à capter le réel. Puisqu’en effet, comment mettre en image un monde que l’on ne comprend pas ? Cette question semble être celle de Moretti qui, par la mise en abyme du tournage, donne à voir la difficulté de mettre en ordre le chaotique. Rien n’est ordonné, tout parait faux. Par la mort annoncée de la mère, c’est tout un monde qui s’écroule. Marguerita se perd dans son existence et l’image devient confuse. Les mondes possibles de la fiction, les textures explicite, implicite et zéro sont en effet traitées de manière identique, le passé ne se distingue plus du présent, ni la réalité du rêve. Se pose alors un questionnement sur cette réalité, qui semble hanter non seulement Marguerita mais aussi Barry, ce mauvais acteur qu’elle peine à diriger, interprété par un John Turturro tout en blagues fumeuses et en misère cachée. Face aux difficultés de l’existence, chaque personnage fait ce qu’il peut. Une adolescente en crise amoureuse, un acteur américain ridicule, un frère qui tente de stabiliser ceux qui l’entourent, tous se cognent à une réalité difficile à appréhender et qui semble perdre tout son sens. Par la mort de la mère, c’est toute une transmission qui s’arrête.

La transmission est un élément central du récit, qui se montre d’abord à travers les trois générations de femmes présentées. A travers le point de vue de Marguerita, suivi tout au long du film, la transmission est assimilée à la figure maternelle. Cette mère tente de faire passer toute la passion qu’elle a pour le latin, qu’elle enseignait, comme le faisait la mère de Moretti, à sa petite fille. Le latin est présenté comme une façon logique de voir le monde. Et par la mort prochaine de la mère, c’est toute cette logique du monde qui échappe soudainement aux deux autres femmes. Dans une scène d’intimité entre Marguerita et sa fille, celle-ci lui demande à quoi sert maintenant d’apprendre le latin, question à laquelle sa mère est incapable répondre. La mort de la mère, qui suit pourtant la logique d’une vie, produit un chaos mental qui submerge le personnage, à l’image de son appartement, que Marguerita découvre inondé à son réveil. En prenant en charge dans son film la figure de la mère, Moretti semble se faire lui aussi transmetteur d’une réalité passée, en proie à l’oubli. Par ce retour et cette recherche de ce qui lui a été transmis, le réalisateur se fait, par le prisme de la caméra, transmetteur d’une réalité que le deuil rend incompréhensible.

LéonieBonnier
8
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le 25 févr. 2016

Critique lue 259 fois

Léonie Bonnier

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