Comment réaliser un film sur l’artiste des artistes ? Michel-Ange représente pour beaucoup l’artiste ultime, celui qui met tout le monde d’accord quant à la beauté et la magnificence de son œuvre, qu’elle soit en sculpture, en peinture ou en architecture. Comment traduire cette folie créatrice qui donna lieu à ces chefs d’œuvres que sont la chapelle Sixtine, le Pietà et bien d’autres œuvres ? Kontachlovski, décide ici de placer Michel-Ange dans son contexte politique, tiraillé entre deux des plus puissantes familles italiennes, rivales entre elles, pour leur loyauté.
Doté d’une mise en scène presque picturale, rappelant les peintures de la Renaissance par l’utilisation de plans d’ensemble très larges dans les scènes de dialogues, le clair-obscur propre aux grands maîtres de cette époque tels Caravage, Raphael ou de Vinci (sans oublier notre protagoniste), l’ensemble visuel de ce film est assez plaisant à suivre, d’une grande qualité. Je retiens beaucoup aussi cette reconstitution fidèle de la Renaissance, qui réussit à mêler qualité de reconstitution sans tomber dans le kitsch ou les clichés dans lesquels s’engouffrent nombre de films d’époque. Ici la reconstitution est sobre, qualitative et visuellement réussie.
Le scénario est également bien traité, Kontchalovski est scénariste de métier et cela se voit. L’intrigue politique est ici habilement amenée, remettant en question les rapports de pouvoir, de loyauté et de violence qui règne entre les artistes et les politiciens, sans pour autant tomber dans une critique facile de l’Eglise ou de la royauté qui arrive souvent dans les films d’époque. Les deux papes que l’on voit se succéder sont des politiciens avant tout, issus des familles Médicis et Della Rovere, l’aspect religieux est peu évoqué ; ils sont ici montrés comme des seigneurs, ceux qui règnent et par qui tout transite. J'ai particulièrement apprécié ce rapport à la célébrité qui est traité dans le film, Michel-Ange semble piégé par son talent, et doit honorer une commande pour deux familles rivales, se trouvant au milieu d'une intrigue politique qu'il a lui-même provoquée sans le vouloir. De même que voir l'artiste des artistes estimer que seul Dante Alighieri est digne d'être un grand artiste, nous prouve que même les plus grands complexent sur leur travail.
Néanmoins le film pèche par sa direction d’acteur. En effet, les acteurs sont ici bons mais trop mal dirigés, ils exagèrent tous leur jeu, en particulier l’acteur de Michel-Ange. On sent tellement que le réalisateur est scénariste, c’est assez flagrant. Les personnages racontent littéralement l’histoire dans les dialogues, cela donne l’impression d’une pièce de théâtre. Quasiment rien ne semble naturel dans leur jeu, tout est surjoué, exagéré, récité. J’aime bien le théâtre de temps en temps mais dans un film de deux heures ça fait un peu long. A trop vouloir expliciter les dialogues, on perd ce que l’on aurait dû deviner dans la mise en scène. Le film manque donc cruellement de moments de silence.