Critique originellement publiée sur Filmosphere.com le 07/07/2015.


Dans la pittoresque boîte à idées qui sert de tête à Michel Gondry réside l’un des savoir-faire de cinéaste les plus appréciables du paysage cinématographique français actuel. Avec une carrière riche, transgenre et internationale, Gondry, passé L’écume des Jours, s’est recentré sur des projets plus modestes, toutefois très personnels, comme Microbe et Gasoil en témoigne. Road movie juvénile sur fond de (trop ?) classique voyage initiatique, le dernier Gondry semble être quelque part la continuité de The We and the I.


Forcément, vu son sujet et ses protagonistes, Microbe et Gasoil semble être avant tout une projection fantasmée de l’esprit de son auteur dans ses jeunes années. L’ode à la créativité et au bricolage que l’on a désormais l’habitude de retrouver chez Michel Gondry prend ici, sans doute plus que jamais, une dimension personnelle et touchante qui dépasse justement le simple humour désuet des gadgets. Michel Gondry y écrit un duo de personnages pour le coup remarquables, non seulement pour leur personnalité propre mais également par la singulière relation qu’il insère entre eux deux. Car s’il est bien quelque chose de compliqué dans l’exercice du « buddy movie » (guillemets de rigueur car le terme est sans doute un peu réducteur), c’est l’équilibre des personnages, l’accomplissement d’une relation justement balancée, et surtout dans le cas présent, simplement belle.


Mais dans la mise en place de ses enjeux, c’est peut-être là où le film de Gondry perd son intensité, trop long à démarrer (malgré répliques et personnages savoureux) qu’au fameux périple, et surtout empruntant par la suite un chemin de péripéties trop convenues. Quand on a la quête, si ce n’est même l’obsession de l’originalité, tout du moins de la singularité, comme Gondry, c’est éventuellement dommage de ne pas la retranscrire dans l’histoire en elle-même. Reproche relatif toutefois dans la mesure où Gondry ne trahit pas pour autant l’essence de son film et parvient à maintenir son cap sur la beauté de ce qu’il traite, sur ces gamins qui cherchent un peu vainement (ou pas, c’est selon) l’adulte indépendant qu’il y a en eux. En utilisant cette structure classique, Gondry se retrouve d’ailleurs à emprunter (volontairement ou non) quelques symboles de la construction du conte, par les protagonistes et situations croisés.


Alors on retrouve tous les petits atomes de cinéma, chers à Gondry, confectionnés main évidemment, qui orbitent autour de Microbe et Gasoil. On retrouve cette précision de direction d’acteurs qui lui est propre (sans doute là où il brillait le plus dans The We and the I) qu’il appose sur sa galerie de seconds rôles (dont Audrey Tautou, savamment dirigée avec un ton décalé), mais surtout sur son binôme pré-adolescent, Ange Dargent et Théophile Baquet, dont l’excellente interprétation naturelle et relâchée est une grande force motrice du film. On retrouve cette discrète et simple caméra (impression renforcée par le choix du 1.66, beau format trop oublié) qui sait où aller chercher l’émotion sans se perdre dans l’exposition de bricolages gondryiesques. Peut-être seul réel point négatif de la forme, la musique de Jean-Claude Vannier, balançant entre l’anecdotique et la composition carrément automatique que l’on croirait presque sortie d’une production de fin d’année d’école de cinéma. Curieux.


Irrémédiablement, l’aventure doit se conclure sur la morale de grandir, recoupant le classicisme dont il était fait mention plus haut. Malgré tout, Gondry parvient à clore son film de la meilleure manière qui soit, fraîche, inspirée et belle, compensant les éventuelles maladresses ou aléas commis préalablement. Quand bien même Microbe et Gasoil ne serait peut-être pas dans le haut du panier de la riche carrière de Gondry, son caractère personnel et malgré tout rafraîchissant (ce qui est le bienvenu à l’heure où la température n’est point clémente) en fait un film quelque part assez attachant.

Créée

le 25 juin 2016

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Lt Schaffer

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