Ari Aster transforme l'essai avec Midsommar. C'est déjà un petit nom qui se retient et une petite révolution qui s'opère dans le monde du cinéma de genre. Nous pouvons aussi remercier l'ambitieuse société de production A24 qui nous livre parmi les films les plus originaux de ces dernières années.
Midsommar est un film unique et jusqu'au-boutiste. Il déjoue les attentes du spectateur en brisant les codes habituels du cinéma d'horreur. En fait, le film est à mon sens d'avantage une expérience coup de poing qu'autre chose. Il n'est pas aussi effrayant que cela au sens classique du terme, il est surtout fascinant, mystérieux et choquant par moments.
Le concept de base est quand même sacrément couillu : proposer l'horreur sous l'éclat du soleil. En ce sens, Midsommar est déjà bien loin d'Hérédité où le soleil était aux abonnés absents quasiment tout le long du métrage. Pourtant, la filiation est bien là et Midsommar est clairement un pas de géant pour Ari Aster. On sent bien que ce dernier a pu laisser sa vision s'exprimer de façon intégrale dans ce film, et cela avec toutes les conséquences que ça comporte. Par exemple, le côté jusqu'au-boutiste de l'oeuvre donne un sentiment de surenchère permanente et parfois de longueur, alors que finalement, c'est juste parfaitement logique dans la démarche de l'auteur d'aller au bout de ce que peut nous proposer cette foutue communauté de tarés. Le film a les défauts de ses qualités.
D'ailleurs, Ari Aster prend bien le temps de donner de l'épaisseur à la communauté en question en la dotant d'une mythologie travaillée et logique. Cette profondeur que prend le temps d'instaurer le réalisateur permet d'aborder des thèmes comme, au hasard, l'héritage de la tradition, l’extrémisme, la place des sexes... tout cela n'enlève rien à la fascination que nous avons pour ce culte et le mystère constant qui rythme le film. En effet, les questions fusent dans notre pauvre cervelle devant ce film qui nous donne suffisamment de clés pour interpréter et fantasmer sans pour autant rendre le tout complètement rationnel, c'est cela qui nous tient constamment en haleine devant cette durée de film inhabituelle pour un film de ce genre.
Midsommar est aussi un film à multiples facettes, il est souvent drôle, chose surprenante. Il est aussi très frontal dans le gore en n'hésitant pas à nous montrer des crânes en miettes, par exemple. Le travail plastique à ce sujet est d'ailleurs formidable, c'est fait mains, ça se voit et c'est beau de voir ça en 2019 putain, l'héritage Cronenberg/Carpenter est là !
Le film est aussi très créatif en jouant sur l'image avec des effets spéciaux très troublants, je n'ai jamais vu ça au cinéma, on voit l'arrière plan bouger, tout ça... c'est vraiment ambitieux comme démarche cinématographique, ça laissera quelques personnes sur le carreau mais tant pis.
En somme, c'est un film immanquable en attendant The Lighthouse de cette même boîte de prod absolument fabuleuse qu'est A24. Un peu d'ambition et de créativité pour cette année 2019 jusqu'ici assez pauvre cinématographiquement de mon point de vue.
Déjà un peu culte ? Peut-être.