Le sacre de l'été
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
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Après un tragique événement, Dani part avec son petit ami et ses potes en Suède pour assister à un festival d'été dans un village isolé et tenter de se changer les idées. Elle y découvre une communauté bienveillante, enchaînant les cérémonies dansantes sans jamais voir le soleil se coucher. Mais peu à peu, le groupe d'amis font des découvertes de plus en plus étranges.
Ari Aster aura marqué les esprit l'année dernière avec son premier long-métrage Hérédité, une véritable plongée horrifique dans une cellule familiale autodestructrice. Un véritable coup d'éclat qui marquait le jeune metteur en scène comme un cinéaste à garder dans un coin de l'esprit. Le réalisateur revient un an plus tard avec ce Midsommar curieusement ensoleillé, à mille lieux de l'atmosphère poisseuse et sombre de son précédent film. Et pour porter ce film loin d'être aussi lumineux qu'il le prétend, c'est l'actrice qui monte, Florence Pugh, qui s'y colle. Héroïne tragique de la fabuleuse mini-série The Little Drummer Girl et du sympathique Une Famille sur le Ring, avant d'enchaîner chez Marvel avec le futur Black Widow, Florence Pugh incarne ici une jeune femme désespérée qui tente de se reconstruire après un événement qui va la traumatiser. Une funeste soirée racontée à travers une longue introduction implacable et maîtrisée de bout en bout, parvenant à prendre la température dans la relation entre elle et Christian, son petit ami (Jack Reynor, déjà vu dans Sing Street ou Free Fire) tout en mettant en images ce trauma indélébile qui la suivra sur tout le film. La proximité avec le spectateur est indéniable, et il n'en faut pas plus pour plonger dans la suite de l'histoire.
Mélangeant plans aériens et nappes musicales dignes de Shining avant de tout retourner à travers un élégant mouvement de caméra pour mieux brouiller les repères des protagonistes, l'arrivée en Suède s'amuse avec les transitions et les effets de distorsion, déstabilisant le spectateur par une image éclatée, vive et blafarde. L'inverse totale d'un film d'horreur classique qui préfère jouer sur les contrastes et les jeux d'ombres. Ici, rien n'est caché (ou presque), tout est affaire de faux-semblant et d'interprétation, de différences culturelles et de barrières des langues. Au milieu d'un déferlement de rituels incroyablement détaillées où Ari Aster prend le temps de s'attarder, on est subjugués par la beauté de cette reconstitution, de ce décor bucolique idyllique et de ces être drapés de blancs à tel point qu'on pourrait leur donner le bon Dieu sans confession. Difficile de trouver des points de comparaison dans le cinéma que l'on connaît, tout juste pourra-t-on signaler Wicker Man pour les rituels païens mais ça s'arrête là. Midsommar possède quelque chose de singulier, qui le distingue d'à peu près tout le monde.
La force de Midsommar est de parvenir à amener les éléments horrifiques sans jamais les souligner comme tel, au début en tout cas. Chaque image forte l'est par sa frontalité, provoque le malaise par son attraction presque dérangeante et la beauté de ses cadres, jouant allègrement sur la symétrie de la composition. Et toute cette horreur malsaine se traduit par l'intermédiaire de Dani, personnage formidablement écrit. Femme dévastée au début du film, elle va peu à peu vriller en partie à cause de sa relation avec son petit ami dont les préoccupations sont très loin d'être les siennes. La dualité homme-femme est l'une des thématiques de Midsommar, qui porte la différence jusqu'à en faire une fatalité. Ces 2h20 passent même sacrément vite puisque la force de la mise en scène et de l'écriture fait que le spectateur est en constante subjugation face à ce qu'il est en train de voir, tentant de reconstituer le puzzle qu'il a sous les yeux. Ari Aster ne mâche pas le boulot, fait toujours autant confiance au spectateur pour comprendre ce qu'il se passe de lui-même, ce qui ne rend jamais le film ennuyeux.
Si la sophistication du style d'Ari Aster pourra en laisser certains sur le carreau, ce qui est compréhensible vu sa propension à esthétiser chacun de ses plans, difficile de nier son talent pour retranscrire la peur sourde et viscérale. Midsommar parvient à conjuguer l'horreur insidieuse avec la représentation des rituels païens, fascinants à travers les yeux d'une Florence Pugh déboussolée et impressionnante. Un film aux apparences naïves mais dont la thématique d'appartenance et d'acceptation de la douleur le transforme en un lent processus malsain et épuisant. Si vous avez le palpitant bien accroché, préparez-vous à vivre une expérience singulière. La petite bombe horrifique de cet été.
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le 5 août 2019
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