On ne peut pas dire que ce mois de juillet ait été des plus riches en termes de sorties alléchantes, notamment parmi les plus médiatisées. Il aura fallu attende la toute fin du mois pour qu’un des films les plus intrigants de l’année pointe le bout de son nez : Midsommar, d’Ari Aster. Un an à peine après la sortie en salles d’Hérédité, le cinéaste américain récidive avec cette escapade festival dont on sort difficilement indemne.
La sortie de ce film ne figurait pas parmi mes grandes attentes. Cependant, la réputation du cinéaste, notamment acquise grâce à Hérédité, l’absence d’affiches véritablement intéressantes, et le mystère autour de Midsommar constituaient de bons arguments pour en savoir plus. J’ai même, par ailleurs, visionné Hérédité pour me familiariser avec Ari Aster, qui m’a séduit avec son travail sur la mise en scène et la photographie, mais qui m’avait laissé plus dubitatif quant au traitement de l’histoire et à l’équilibre entre réalité et fantastique, optant pour une résolution qui m’a laissé pantois. Pour Midsommar, j’ai voulu y aller vierge tout a priori, hormis ceux pouvant être liés à Hérédité. Il s’agissait de cultiver, jusqu’au bout, ce mystère, et d’en profiter le plus possible.
On a l’habitude des films d’horreur sombres, se basant sur l’éternelle peur du noir et de l’obscurité pour développer un climat anxiogène, propice à la peur et à l’effroi. Dans Midsommar, il n’en est rien. En accompagnant ce groupe d’amis se rendant à une fête estivale dans le nord de la Suède, on découvre un lieu où le soleil ne se couche jamais, où le paysage baigne sans cesse dans la lumière. Tout est vert, ensoleillé, les vêtements sont blanc immaculés. On est comme plongé dans un Jardin d’Eden, coupé du monde, loin des préoccupations du monde moderne. Tout semble si paisible, et pourtant. C’est en prenant le contre-pied des canons du cinéma d’horreur, en optant pour la lumière en lieu et place de l’obscurité, qu’Ari Aster nous piège dans une expérience déstabilisante. Midsommar est comme un long rituel qui n’a de sombre que son étrangeté tant il baigne dans une lumière permanente et estivale.
A l’issue du film, impossible de dire, de manière claire, si j’ai véritablement aimé le film ou non. Il est difficile de ranger Midsommar dans une case précise. Seulement, au lancement du générique et à la sortie de la salle, subsiste une sensation de malaise, l’impression d’avoir été dérangé et secoué. En effet, Midsommar s’apprécie surtout comme une expérience. L’histoire, en elle-même, réserve bien peu de surprises, et laisse facilement au spectateur le temps de deviner les dénouements intermédiaires et le dénouement final. L’intérêt réside plutôt dans la création de cette ambiance singulière, la tenue de ce long rituel auquel le spectateur prend part, au risque d’être lui-même influencé par ce dernier. C’est l’image d’un monde où on est accueilli avec le sourire mais qui s’avère dangereux sous la surface, l’illustration d’une société menacée par l’embrigadement et l’aliénation, d’une part et, d’autre part, la libération de la femme et sa célébration, face aux trahisons des hommes.
Ari Aster propose ici un retour vers le primal et le sauvage, qui trouve également des résonances dans notre société moderne. Libre au spectateur d’adhérer ou non, à la radicalité de l’expérience ici proposée, au sinistre spectacle qui se déroule devant nos yeux, d’y croire ou non, de se laisser emporter ou non. Dans ce film solaire, dans cette nature immaculée, on cultive le glauque, mais avec le sourire. Je ne saurai m’avancer sur votre propre appréciation du film. En tout cas, il a su me secouer et me plonger dans un état particulier, dans une sensation de malaise. La définition d’un traumatisme cinématographique.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art