Le sacre de l'été
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Hollywood, comme le spectateur contemporain, banalise l'extraordinaire, ne prenant plus la peine de souligner l'étonnement des personnages lorsqu'ils sont placés face à la disparition de la moitié de la population ou lorsqu'ils sont mis face à telle ou telle créature monstrueuse. Il est rassurant de voir qu'un être lambda peut encore être tourmenté lorsqu'il assiste au suicide d'un homme prémédité depuis sa naissance et consenti par ses semblables. Dans une séquence où l'intensité se déploie magistralement, le choc de la chute, symbole d'un geste libérateur, entraîne logiquement le départ de deux des visiteurs, ne pouvant accepter la tradition du rite. Ces êtres célestes sacrifiés sont pourtant arrivés au terme de leur cycle et rejoignent logiquement le valhalla. Aster filme cette séquence de bascule comme s'il devait rendre compte des différentes étapes du rite. Son rôle devient celui de l'étudiant cherchant à engranger le maximum d'informations afin de construire son mémoire. Il ne donne pas à entendre les cris des intrus préférant un thème musical redondant, accompagnant les septuagénaires dans leur chute. Cet habile procédé permet d'insister sur le choc que subit Dani, retombant dans ses travers lorsque le son intradiégétique reprend ses droits, donnant ainsi à voir son désarroi et son envie de fuite. Pourtant, sortir de cette contre-utopie n'est pas une issue tangible pour le film et irait à l'encontre de ce qu'a élaboré Aster jusque-là.
Très vite, les situations macabres se démultiplient et le classicisme reprend logiquement ses droits pour étoffer le scénario et homogénéiser le point de vue. Les personnages disparaissent et la caméra se braque progressivement sur deux visages, celui de Christian, miroir défiguré de l'étudiant moderne, victime idéale, et bien sûr celui de Dani, tout aussi hétéroclite, mais bravant les étapes des rites avec succès. Le paradoxe du film est qu'il parvient à bâtir les fondements psychologiques d'un personnage ayant subit les pires horreurs en la confrontant à des situations où elle est mise à rude épreuve. La séquence de la danse fait figure de vecteur esthétique cette année au cinéma tant elle parvient à communiquer l'émotion que peuvent susciter danse et musique : en plus d'alterner entre gros plans anxiogènes donnant à voir la montée corporelle des substances injectées et plans larges illustrant la magnificence du rite, Aster construit chacun ses plans comme s'il voulait donner à voir la mutation qui s'opère progressive chez Dani, trouvant l'accomplissement du « moi intérieur » dans l'expérience même de la violence.
L'empirisme machiavélique qui se déploie sur elle l'aide à retrouver des sentiments réellement éprouvés, que Christian avait annihilés au fil du temps. L'éviction finale de ce dernier peut encore une fois raisonner comme la nécessité de s'abolir des prérequis : le film d'horreur n'est plus celui de l'adolescent lambda rendu héroïque en affrontant l'apparition du surnaturel, mais celui de l'Homme tourmenté qui grandit face à l'expérience imposée par la terreur. Dani devient la reine de ce microcosme solaire : le cri final qu'elle pousse est libérateur et l'affranchit de ses traumatismes, tout comme ce genre de cinéma doit désormais donner au spectateur la possibilité de s'émanciper des codes d'un genre encore une fois redondant. Au final, il ne faut plus chercher de réponses pour comprendre le film, mais le vivre et se poser des questions, débattre et interpréter. L'engendrement d'une nouvelle expérience de cinéma.
Créée
le 10 déc. 2019
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