Le sacre de l'été
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
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le 3 août 2019
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Ce fut pour moi un véritable défi de voir Midsommar de Ari Aster. De nombreux obstacles se sont dressés sur ma route de sectateur curieux tel que la découverte qu’une roue de voiture crevée à seulement 30 minutes du début de la séance. Le film ayant été déprogrammé dans une grande partie de la région parisienne, j’avais déjà fait avec amertume une croix sur son visionnage. Or en m’installant dans une petite ville de Nouvelle Aquitaine, je fut comblé de joie en voyant que le film était programmé dans le seul petit cinéma du village. J’eut alors le grand plaisir de prendre place, seul, dans la grande salle rouge pour me retrouver en tête à tête avec Midsommar.
Quelle ne fut pas ma surprise et mon hystérie à la sortie de la salle. Dans un premier il convient de noter que bien que le métrage offre au spectateur quelques visuels gores, le film n’en est pas pour autant un film d’horreur dans l’air du temps. Ici les jump scare se font discrets, préférant laisser la place à une peur et une tension temporaire. Le spectateur est sujet à différentes phases d’angoisse, d’hallucination et de béatitude. On passe en effet de scène d’une violence extrêmement cru
(mise à mort ritualisée)
à des passages de pure sérénité
(hallucinations du banquet)
. Il ressort de cette alternance constante de ton un certain malaise dont s’imprègne le spectateur, à l’instar des différents personnages. A la frontière entre honorables invités, « frères et sœurs » ou menace pour le groupe, la bande de jeune étudiant va évoluer dans un milieu profondément hermétique et calculateur qui feint son ouverture.
En effet la mécanique de l’horreur repose entièrement dans Midsommar sur le groupe religieux et leurs pratiques. Ici les rites s’articulent autour d’un culte de la nature. Véritable transcendantalisme païen, la nature harmonieuse est habitée d’une essence divine. L’équilibre entre le vivant, le divin et la nature est assuré par les différentes cérémonies visant à perpétrer le cycle de la vie évoqué dans le film : on nait, on vit, on meurt, on renait. La vie en elle-même tente d’atteindre une forme de pureté en se calquant sur le cycle des saisons. Le printemps renvoi à la jeunesse, l’été à l’âge adulte, l’automne à la sagesse, et l’hiver à la mort des anciens.
De plus, la pureté est visible à travers les costumes. Le film irradie le spectateur de sa blancheur immaculée qui devient la couleur dominante. Les rares fois ou cette couleur est laissée pour compte, c’est pour mieux faire la pare belle à la somptuosité des bouquets et des couronnes de fleurs qui habillent les personnages. La communauté se voit donc soudée autour d’un code couleur propre qui unit et fond les individus entre eux. C’est par ailleurs la dévotion aux différents rituels qui renforcent la communauté mais en font aussi ressortir ses chaines car en effet, la pureté est illusoire. Le groupe joue sur une imagerie bucolique et enchanteresse qui se trouve entachée par la barbarie de ses rituels. Le membre est pris au piège ainsi que le spectateur qui se laisse volontiers convaincre par ce système qui semble au premier abord si juste, si égalitaire, si doux. Par ailleurs le regard anthropologique, par son objectivité, vient atténuer, voir pardonner la cruauté certains rituels. C’est d’ailleurs ce regard aseptisé sur autrui qui empêchera les jeunes étudiants de voir le piège mortel se resserrer autour d’eux. On en vient, par soucis d’ouverture d’esprit à cautionner certains actes criminels.
Enfin le plus grand tour de force du film à mes yeux est d’avoir réussit à hypnotiser par moment le spectateur. Ce dernier est aspiré à travers l’écran pour se joindre à la masse des fidèles lors de la pratique des rites. Cette plongée dans l’illusion passe par une musique lancinante, cyclique qui emporte le spectateur au cœur d’une spirale de sons et de saveurs lui faisant progressivement perdre pied. Le corps sursaute au son des tambours et l’esprit se laisser happer par les notes grinçantes du Gnaal qui s’envolent vers les cieux. Le but de ces sonorités parfois dissonantes n’est pas de plaire, mais de plonger les individus et le spectateur dans une transe macabre. Une fois de plus l’étaux se resserre autour des personnages
en particulier celui de Dani qui est assimilée au groupe par le biais de la danse.
De même, les corps et la performance d’acteur des différents figurants laissent une lacération dans l’esprit du spectateur. En effet, le groupe se transforme en une masse vivante et réceptive capable de rire, hurler ou pleurer en cœur. La force de cette cohésion primale est d’inclure et de réagir à autrui.
Lorsque Dani apprend sa tromperie elle tombe au sol et se tord de douleur, accablée par le poids de la trahison. Au lieu de la réconforter tendrement, les femmes du groupe l’imitent avec sincérité.
A la manière des « pleureuses » de Cote D’Ivoire qui pleurent en groupe pour endosser le poids du deuil, les jeunes femmes d’Helsingen, impriment sur leurs corps la douleur et le chagrin de la nouvelle venue. C’est par la mort et la douleur que les liens de cette communauté se forgent.
Je vois dans ce film une plongée dans un paganisme fantasmé, où la communauté va piéger avec brio des personnages et un spectateur attiré par la pureté apparente de ce système. Ici les mécanismes trompeurs et attirants des milieux sectaires sont mis au service d’un film désireux de laisser aussi bien une empreinte visuelle que mentale dans l’esprits de spectateurs manipulés, pour leur plus grand plaisir.
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Créée
le 30 août 2019
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