Million Dollar Baby par BlueKey
Million Dollar Baby est un véritable coup d’éclat du réalisateur Clint Eastwood, un film qui obtint succès populaire et critique, et qui rapidement s’imposa parmi les chefs d’œuvres de sa filmographie.
Eastwood, comme souvent, nous y parle de la transmission. On y retrouve un chassé-croisé proche de celui qui composait Un monde parfait - Maggie est une fille dotée d’un semblant de famille d’ignares et d’empotés. Elle retrouve en Frankie le père qu’elle a perdue (sa mort est évoquée). Frankie, quant à lui, n’a jamais revu sa fille depuis un certain événement, dont nous ne connaîtrons jamais rien, si ce n’est qu’il continue de ronger l’entraîneur. Quand Maggie arrive au gymnase, il commence par s’en éloigner, par peur de connaître les mêmes souffrances. Puis la jeune fille devient pour lui l’occasion de se racheter, en ne commettant plus les mêmes erreurs.
Ce rachat, Frankie tente de l’obtenir auprès de Dieu, en allant à l’église tous les dimanches depuis vingt-trois ans, mais sans trop être persuadé par se rachat spirituel (scènes cocasses avec le prêtre). Il doit en réalité se racheter par les actes, ce qu’il fait en mettant fin aux jours de Maggie à sa demande. Cet acte donne Frankie sa valeur d’héros eastwoodien par excellence, celle d’un personnage qui applique sa propre justice en connaissance des circonstances et face à des lois trop générales et incapables de s’appliquer à tous les cas. La vie est un combat de boxe, où il faut parfois savoir imposer sa règle si on veut le gagner. Million Dollar Baby se place alors dans le prolongement de toute l’œuvre d’Eastwood.
Le premier maître du réalisateur-acteur, Sergio Leone, aimait jouer avec les répétitions, les rengaines : reprise de l’air joué par la montre à gousset dans Pour quelques dollars de plus, de l’air d’harmonica à la fin d'Il était une fois dans l’ouest. Eastwood applique lui aussi ce "tragique de répétition", que ce soit dans Sur la route de Madison avec le collier suspendu au rétroviseur lors de la séparation finale, dans Gran Torino avec le briquet ou dans Million dollar baby. On pleure quand Maggie évoque le chien handicapé de son enfance, ou encore quand on voit, dans la séquence finale, la silhouette de Frank dans le restaurant où l’on sert de si bonnes tartes aux citrons. Eastwood choisit pour scénario une histoire douloureuse, cruelle, mais la met en scène avec sa rigueur habituelle, dans une simplicité belle et digne de John Ford. La photographie est des plus sombres et fait de cette œuvre cruelle un quasi film noir. La dureté du dénouement, ce mélange savant des émotions, s’apparente à sa future œuvre L’échange. Outre le jeu d’Eastwood comme toujours parfait, Morgan Freeman envahit le film de sa voix, qui nous raconte les événements (voix-off intelligemment utilisée), et Hilary Swank se hisse avec talent au niveau de ses coéquipiers expérimentés.