Minnie et Moskowitz par Garrincha
C'est l'histoire d'un amour fou, hors-normes, excessif, entre deux personnages sortis tout droits d'une nouvelle de Raymond Carver. Lui est voiturier à ses heures perdues, elle employée de musée d'art moderne. Ils se rencontrent au détour d'une bagarre, Seymour débarrassant Minnie d'un prétendant un brin acariâtre, et, aussi soudainement que résolument, la passion s'invite dans le cœur de Seymour, pour ne plus jamais en être délogée.
L'intrigue est mince, mais là où d'autres cinéastes auraient vu une impasse, Cassavetes et sa troupe y trouvent au contraire un espace de liberté, un terrain de jeu, un laboratoire d'expérimentation dans lequel l'acteur serait roi. Si les personnages parviennent à exister, à s'incarner devant nos yeux, c'est grâce à la confiance absolue que le cinéaste fonde en ses deux interprètes. Seymour Cassel et Gena Rowlands paraissent avoir quasi carte blanche. Aucune outrance, aucune explosion d'énergie ne leur est refusée, tant l'essence de ce que semble vouloir capter Cassavetes gît quelque part dans le tressaillement d'une lèvre, dans le mouvement imperceptible d'un sourcil, dans un regard jeté à la dérobée et qui dit « je t'aime » quand la bouche elle prononce « adieu ».
La caméra de Cassavetes est à l'affût du moindre détail qui trahirait le réel derrière la fiction, le flux vital derrière le masque de cire du personnage de cinéma, scrute le visage de ses comédiens comme un navigateur étudierait une carte au trésor, embrasse l'excès pour révéler le vrai enfoui au cœur des choses, par-delà le script, par-delà le jeu, dans un espace intermédiaire où personnage et interprète ne feraient plus qu'un, cristallisé dans un éphémère mais jubilatoire moment de grâce.