Moyen.
Ce film est un peu bizarre, l'auteur nage perpétuellement entre le subtil et le bien appuyé, entre le nuancé et le manichéen. Le film comporte deux intrigues avec quelques points communs ; mais ça sent un peu trop le forcing ces deux récits en parallèle et l'on a l'impression que chaque histoire est vite expédiée : l'une qui monte les échelons en délaissant sa famille et l'amour tandis que l'autre perd sa vie et l'amour de sa fille (du moins tant qu'elle vit) parce qu'elle est noire. Il aurait pu y avoir un contraste plus poussé, montrer que cette pauvre servante avait au moins l'amour de sa famille mais pas de vrai job, l'exact inverse de l'héroïne mais non, elle n'a rien, juste le sourire. J'ai donc vraiment eu du mal à concilier les deux, à voir un intérêt à cette écriture. Les personnages ne sont pas complétement inintéressants, par exemple voire une femme qui décide de prioriser sa carrière, c'est fort, mais on sent bien venir la morale à la fin qui dit qu'il faut quand même s'occuper de sa famille. Ce n'est pas trop appuyé, au final, la blonde s'en sort bien. Pour ce qui est la noire, c'est assez misérabiliste puisqu'elle va souffrir de plus en plus jusqu'au final inévitable. Et puis il y a ce ton bizarre, on ne sait pas trop si le film est raciste ou pas, parce que bon, cette femme qui se fait embaucher en disant qu'elle ne veut pas d'argent et qui continuera toute sa vie à bosser pour la blonde (on suppose gratuitement), mais en même temps Sirk dénonce le racisme des blancs qui sont dégoûtés d'apprendre que la jeune fille a une maman noire et qui se fera même tabasser, scène assez forte. Je ne sais pas, je suis perplexe.
La mise en scène est superbe : une belle gestion de la couleur, une belle lumière de studio, des acteurs qui font bien le boulot. Le découpage est académique et maîtrisé. Le montage est bien rythmé. Les décors sont bien choisis/créés et exploités.
Bref, on peut trouver des choses superbes dans ce film et puis d'autres vraiment pas top.
PS : un truc que je ne comprendrai jamais : ces artistes qui écrivent des récits qui racontent qu'être un artiste super investi c'est pas chouette, que le mieux c'est de sacrifier sa carrière pour une famille épanouie. En toute logique, les gens qui ont écrit ça et qui travaillent pour Hollywood sont des gens qui ont sacrifié leur vie de famille. Sont-ils donc malheureux qu'ils se sentent obligés d'écrire là-dessus? Ou bien est-ce juste pour rassurer monsieur et madame tout le monde : vous rêvez d'être artistes mais regardez ce qui vous attend si vous vous engouffrez là-dedans. Et c'est vraiment un thème récurent encore aujourd'hui. J'aimerais voir un film où un personnage fait le choix de quitter sa famille pour privilégier sa carrière artistique, ou qui parvient à concilier les deux avec des hauts et des bas (chose plus réaliste en fait) et qui est heureux comme ça. Ou amer d'avoir à subir sa famille et de foirer sa carrière à cause d'elle.