Quatre beaux portraits de femmes : Lora, jeune veuve, mère d'une fillette, Susie, comme elle blonde et ravissante, qui rêve de devenir actrice et peine à s'en sortir, sa servante noire et amie, Annie, mère elle-même d'une petite Sarah Jane si blanche de peau que la fillette ombrageuse et complexée donne le change, niant ses origines.
Un monde de femmes dans lequel les hommes paraissent bien fades, à commencer par John Gavin : Steve Archer, prétendant attitré de Lora, étourdissante Lana Turner.
Sentiments et sensations exacerbés, personnages féminins baignant dans l'excès, mais quel art consommé du mélodrame !
L'enterrement d'Annie, reniée par sa fille devenue entraîneuse dans un night-club, atteint des sommets d'émotion, et on n'est pas près d'oublier le gospel poignant chanté par Mahalia Jackson !
Un film qui est à replacer dans le contexte de l'Amérique raciste des années 50, où se fait jour la timide ébauche d'une liberté professionnelle et sexuelle des femmes, et on se rappellera longtemps cette scène d'une violence extrême pour l'époque, où le petit ami de Sarah Jane crache son dégoût et sa haine au visage de la jeune femme dont il a découvert la négritude.
"Ce que Sirk aura magnifié c'est la volonté inébranlable de Sarah Jane comme de Lora à sortir de leur condition. Certes Sirk n'en masque pas les difficultés mais c'est justement pour cela que Fassbinder, certainement sensible à l'exposition des humiliations subies par ces deux femmes, le considérait comme son chef-d'œuvre "Un film grandiose et fou sur la vie et la mort. Et sur l'Amérique."
Un superbe mélodrame qui marque les adieux de Sirk à Hollywood et qui pourrait se conclure par la chanson du générique : " Sans amour tu vis seulement une imitation de la vie".