Un film bien difficile à analyser, en vérité, et je pressens que la rédaction de cette chronique est un exercice truffé de pièges. La trame en est pourtant simple : Jérémie revient dans un village perdu de l'Aveyron pour l'enterrement d'un boulanger qui a beaucoup compté dans sa vie et va peu à peu s'installer dans le village, fréquentant la veuve du boulanger, son fils, l'épouse de son fils, un ami (d'enfance ?) Walter et Philippe, le bien membré curé du village. Et là, hop, premiers questionnements : quelle était exactement la nature des relations de Jérémie et du Boulanger ? Langue au chat.
Alors, le spectateur pourrait se contenter de s'extasier devant ces magnifiques paysages du sud Aveyron. Il y a de quoi, à vrai dire, tant ils sont magnifiés par la caméra. Et ça m'a donné envie d'y aller faire un tour un de ces jours, sans trop attendre. Le spectateur urbain pourrait saliver devant tant de cèpes et de morilles, que pour sa part il ne trouvera qu'aux étalages des supermarchés, pleins de vers ou en voie de moisissure, à plus de 30 € le kilo. Ce film est une véritable ode à la nature des zones rurales de moyenne montagne, trop accidentées pour être dévastées par l'agriculture productiviste.
Mais pas que. Il a aussi une dimension spirituelle, religieuse. Ce dont son titre veut attester. Mais qui est difficile à cerner. Jérémie est-il l'antéchrist ? Satan ? La façon dont il s'incruste, l'air de rien mais sans que (presque) personne n'y trouve à redire a quelque chose de diabolique, de surnaturel. A noter en outre que la question soulevée par le "presque" ci-dessus sera rapidement résolue et de façon définitive, s'il vous plait. L'autre figure centrale de l'intrigue est bien entendu Philippe, le curé du village qui porte soutane. Car les autres personnages ne sont que des éléments du décor, du terrain de jeu où les deux protagonistes rejouent l'éternel combat du bien contre le mal. Thématique théologique s'il en est. Et quelques unes des scènes fortes du film (le confessionnal, le final en bord de falaise) viendront proposer au spectateur quelques clés de lecture de ce que pourrait être, aux yeux de Guiraudie, cette fameuse miséricorde dont le film a fait sa tête d'enseigne.