Behind continue sa découverte religieuse, en salle, de certains oldies but goodies qui faisaient cruellement défaut à sa cinéphilie encore fragile. Et c'est un long métrage de Costa Gavras, ce soir, devant lequel il s'installe.
Ce n'est pas un inconnu, pour le masqué. Z et L'Aveu étaient passés sur une des dernières chaînes intelligentes de la TNT. Histoire de rafraîchir ses convictions politiques. Il avait aussi découvert au cinéma Le Couperet, où un point de vue social désespéré, grinçant et sans retour prenait le relais.
Avec Missing, retour au politique ancré dans les années 60 / 70, dans les décors sud américains étouffants du coup d'état du Général Pinochet. Costa Gavras plante sa caméra et dessine un environnement urbain où les coups de feu sifflent et les arrestations arbitraires se multiplient, le tout sur fond de manipulations, de mensonges et d'apparences. Le fait que le film soit tiré d'une histoire vraie fait froid dans le dos, tant la menace n'en apparaît que plus incroyable et terriblement palpable. Le contexte si fort du scénario est tout simplement formidable et donne du corps au drame familial, à l'odyssée émotionnelle menée par le père et la femme d'un de ces disparus.
Car plus encore que le politique, finalement, c'est Sissi Spacek et surtout Jack Lemmon que l'on retient, d'autant plus que celui-ci, dont le visage est bien plus souvent associé au registre comique, explore le tout le dramatique de son personnage avec retenue. Tout en émotions contenues, entre colère et infinie tristesse, il compose un père en terre étrangère qui se heurte tant à un pays qu'il ne connaît pas qu'à "ses" Etats Unis d'Amérique qui rêvent de refaçonner un monde à leur convenance, de s'installer en maître d'une véritable valse des pantins.
Comme peut l'indiquer le titre double du film, la recherche du disparu, poignante, se confond avec le portrait de l'être cher qui nous manque, et que l'on constate avec surprise qu'on ne connaît pas totalement. Jack Lemmon recherche en effet son fils tout comme il essaye de renouer avec celui qu'il était dans ses souvenirs, en faisant se confronter des valeurs qui semble-t-il, les ont éloignés l'un de l'autre.
Le voyage initiatique, l'espoir de retrouver un fantôme zigzaguera plus d'une fois entre la violence, les mensonges et une tension de plus en plus forte. Tout en visitant les lieux où ce fils a passé ses supposés derniers moments. Missing sera, à ce titre, l'occasion pour Costa Gavras de montrer nombre de scènes touchantes, tout comme il en profitera pour nourrir son film de plans extrêmement forts et lourds de sens. L'oeuvre utilisera cette exploration intime pour dresser un portrait peu flatteur des Etats-Unis et de ce qu'ils sont près à soutenir, à cacher, à faire pour affirmer leur influence néfaste.
Humain, politique, tragique, pudique, Missing emporte son spectateur dans les remous d'une Histoire inavouable tout en restant au niveau de l'intime qu'il ne cesse de mettre en valeur, de magnifier, de ce qu'il donne ressentir : l'angoisse de l'attente, ce temps suspendu comme en apnée, ce désarroi qui étreint le coeur.
Behind_the_Mask, ♫ hissez haut, Santiago...