« I'm part of an agency... Called the IMF. » ETHAN HUNT

En 2002, le réalisateur David Fincher est contacté pour réaliser le troisième épisode de la saga Mission Impossible. Intéressé, il souhaite une histoire parlant de trafic d'organes en Afrique du Sud et de faire de Sylvester Stallone le méchant principal. Cependant cette version ne convient pas à la production. Refusant de se plier aux décisions des producteurs de la saga, David Fincher choisit de se consacrer à un autre film.

En 2005, l'acteur et producteur Tom Cruise découvre la série Alias diffusé sur ABC. L’histoire se concentre Sydney Bristow, une jeune étudiante en littérature anglaise, qui doit apprendre à coordonner sa vie d'agent double. Elle doit non seulement assurer ses missions au SD-6, aux côtés de Dixon, son partenaire, mais aussi accomplir les contre-missions que la CIA lui confie.

Tom Cruise adore cette série et il appel son créateur J.J. Abrams afin de le rencontrer et de parler de la réalisation d’un troisième Mission Impossible. Les deux se lient d'amitié et J. J. Abrams devient le réalisateur officiel de Mission Impossible III. Pour ce faire, il fait appel à Alex Kurtzman et Roberto Orci pour le scénario et à son ami Michael Giacchino pour composer la musique. Ils ont tous travaillés sur la série Alias. Le projet initié, le film sort en salle en 2006 lançant la carrière de réalisateur sur grand écran de J.J. Abrams.

A l’heure où les séries montrent de plus en plus la voie au cinéma grand public, en prenant des risques et en dynamitant les conventions, donner les clefs de la marque Mission Impossible à un des plus doués des concepteurs de séries était une indéniable bonne idée. Malin, mais sans doute tenu à la performance (jamais un réalisateur n’avait eut entre les mains un tel budget pour un premier film), J. J. Abrams a appliqué à la lettre la recette du succès de Alias. Ceux qui connaissent les aventures de Sydney Bristow et son équipe s’amuseront au jeu des nombreuses ressemblances, de la musique aux décors, des cascades aux effets spéciaux, des tics d’écriture au casting. Tout y est : les villes exotiques, la double vie, les traîtres, jusque dans la scène d’ouverture qui annonce la position délicate dans laquelle se retrouvera Ethan Hunt.

Ce troisième film débute d’une manière plutôt inhabituelle, avec un Ethan Hunt dans une situation extrêmement tendue, aux mains d’un criminel, face à sa propre femme, kidnappée par ce dernier, lequel la menace de mort si l’agent ne dévoile pas une information cruciale. C’est donc un cheminement différent que prend cet épisode, partant du point d’arrivée pour revenir au point de départ et recoller les morceaux, cultivant un mystère qui ne sera que partiel, donc, mais ce qui ne l’empêchera pas d’être, comme tout Mission Impossible qui se doit, riche en rebondissements et en révélations.

En reconstituant une équipe, en retrouvant le chemin d’autres agents en mission ou basés à l’agence, et en remettant l’infiltration en avant, le film vient renouer avec l’esprit de la série et du premier film, laissant de côté les excès du film précédents, sans manquer d’être divertissant et spectaculaire. Moins décomplexé, c’est un épisode qui se montre aussi plus dramatique, comme en témoigne cette introduction et cette esthétique aux tons et aux lumières généralement nocturnes. L’action est aussi globalement plus sérieuse, elle doit être efficace et palpable, ce qui se traduit notamment par cette caméra assez mouvante et tremblante, visant à développer le sentiment d’immersion chez le spectateur.

Ving Rhames (déjà présent dans Mission Impossible et Mission Impossible 2), Maggie Q et Jonathan Rhys-Meyers forment l’équipe qui va épauler Ethan Hunt dans sa mission. Si ils ont une présence non négligeable à l’écran, le scénario préféré s’attarder sur Ethan Hunt étant donné qu’on est face à une mission très personnelle.

Le film est l’opus de la franchise le plus intimiste, le plus personnel de Ethan Hunt. Il est à la fois confronté à l’envie de fonder une famille avec sa femme et à la culpabilité d’avoir perdu sa jeune recrue qu’il a formée. J.J. Abrams n’a jamais caché son admiration pour Steven Spielberg et on retrouve des hommages permanents dans ses œuvres télévisuelles et cinématographiques. Scénaristiquement, les productions de J.J Abrams sont assez similaires. Ce film n’échappe pas à la règle, il faut voir plus loin pour y déceler les vrais sujets. Ainsi, ce troisième volet n’est pas une énième mission pour Ethan Hunt de sauver le monde, mais pour sauver son monde. Et son monde, c’est Julia. Durant toute la première partie du film, Julia est omniprésente, même lorsqu’elle n’est pas présente physiquement.

J.J Abrams laisse vivre Ethan Hunt et sa femme interprétée par Michelle Monaghan. Une fête entre amis à la maison, des discussions intimes, un mariage improvisé, J.J. Abrams dévoile des tranches de vie dans un visuel et des dialogues authentiques, toujours dans cette recherche de moments de vérité, précieux et essentiel pour investir émotionnellement le spectateur.

Philip Seymour Hoffman fait un excellent antagoniste, dangereux et impitoyable, détestable également, parvenant à avoir beaucoup de substance même si, en faisant les comptes, sa présence à l’écran n’est pas si importante que cela. Il est très impressionnant, tout en économie. Là aussi, J.J. Abrams a fait venir de la série Alias quelques idées comme le quartier général de l'Impossible Mission Force devenu un nid de vipères bureaucratiques.

Pour revenir à l’introduction, en achevant sa séquence par la mort de Julia, J.J. Abrams annonce le ton de son film, un film plus dramatique, plus intimiste et affirme ainsi son ambition, celui de suivre le parcours émotionnel d’un héros que l’on semblait pourtant connaître. Car en vérité, c’est aussi la première fois que nous voyons Ethan Hunt dans un tel état émotionnel. L’œuvre est traversée par l’idée de la réinvention. Ici, c’est un des aspects de la réinvention du super-espion impénétrable, sauveur de l’humanité. Il vient, dès l’introduction de son film, briser le mythe du héros parfait et balayer les clichés de l’homme fort, que rien n’atteint.

Tout le reste du film sera alors une longue course enragée pour revenir à ce moment clé et connaître la vérité sur le dénouement de la scène. Le film est d’ailleurs basé sur la recherche de la vérité ou la façon de camoufler les mensonges. Que ce soit la relation entre Julia et Ethan, le flou autour d’une éventuelle taupe au sein de la FMI, les faux-semblants, les alliés qui n’en sont finalement pas, la vérité autour de ce qu’est la patte de lapin, le scénario reflète parfaitement les obsessions des films d’espionnage.

Qu’il soit en mission ou dans les locaux du FMI, une grande majorité des discussions tournent autour de Julia et d’une probable vie avec elle. C’est dans ces instants-là que J.J. Abrams dévoile son véritable sujet, la dualité et le dilemme auxquels est maintenu en permanence Ethan Hunt. Son secret devient un poids, une vérité cachée difficile à porter. Finalement, on peut concevoir l’enlèvement de Julia comme une aubaine pour Ethan de reprendre une relation saine, sans mensonge. J.J. Abrams va traduire cette idée de manière symbolique : face à la mort de son ancienne élève, il faut à Ethan emprunter le même chemin. Mourir afin de renaître et démarrer une existence saine et normale au côté de Julia.

Les personnages sont souvent en gros plans, des gros plans sur les visages, bouleversants, intimidants ou nerveux. Il capte autant de sentiments que d’émotions, qui traversent les personnages à différentes étapes du film. La scène d’introduction du film en est le parfait exemple avec d’un côté Ethan Hunt, dont on lit rapidement toute la vulnérabilité et la peur dans le regard, mais aussi l’incertitude, où les larmes, magnifiques de poésie, trahissent toute la beauté de son humanité. De l’autre, Davian, dont la posture, le visage et les yeux dégagent une assurance, une force tranquille imperturbable, qui perturbe à la fois l’espion et le spectateur.

Notons le respect envers ses prédécesseurs Brian de Palma et John Woo. Si le réalisateur s’affranchit des deux volets précédents, J.J. Abrams leur rend hommage. On retrouve un clin d’œil à la célèbre scène où Ethan Hunt est accroché par un câble et un ralenti pour John Woo.

Malheureusement le film n’est pas un succès financier, d’ailleurs le studio américain Paramount Pictures mettra fin au contrat de Tom Cruise, après 14 ans de collaboration, officiellement pour « comportement inacceptable » et « suicide créatif », et plus précisément en raison de ses propos dans la presse américaine sur la scientologie.

Mission Impossible III offre un véritable divertissement et un des derniers blockbusters où l’humain est placé au cœur de l’intrigue, où l’humanité d’un héros est sans cesse remise en question. Il comprend ce qu’est la véritable essence d’un blockbuster, de ce qu’il devrait être, un spectacle volcanique qui n’oublie jamais l’humain, ses doutes, ses espoirs, ses peines et ses désillusions.

StevenBen
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le 6 juil. 2023

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Steven Benard

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