Alan Parker est un touche à tout. De ce fait, comme un certain Spielberg dont il est contemporain, il sait tout filmer grâce à un style classique parfaitement maîtrisé. En voici encore la preuve. Mississipi Burning est librement inspiré d’évènements réels qui se sont passés en 1964. Au départ, trois jeunes militants des droits civiques disparaissent dans une bourgade du Mississipi. Les affaires de disparitions étant le lot du FBI, deux agents sont dépêchés sur place pour tirer ça au clair et d’une certaine manière représenter l’autorité fédérale et le progrès. Face à eux, le Klan, le pouvoir politique local, la police et une bonne part de la population. Première des réussites, la séquence introductive nous mène directement au cœur du sujet et cette tension palpable dès les premières secondes ne nous quittera plus deux heures durant. L’autre réussite tient à l’écriture des personnages. Ils sont vraiment bien caractérisés et parfaitement identifiables tout en ayant une certaine profondeur qui permet de sortir d’une logique manichéenne stricte (encore que … on sait qu’en vérité, le FBI n’a pas été très clean dans cette histoire). Le film expose à merveille les enjeux de cette affaire. Quid de la démocratie quand celle-ci sert à brimer une population ou quand elle vient des hautes sphères conspuées par les locaux ? Dans quelle mesure une société peut-elle changer d’elle-même ou a-t-elle besoin d’un déclencheur extérieur ? Ce qui est fascinant (ou consternant) c’est de voir à quel point le discours des locaux de 1964 tel qu’il est reproduit en 1988 correspond au discours du trumpiste de 2020. Du grand complot judéo-bolchévique au refus du métissage, tout y est. On se dit que les USA n’en finissent pas de payer leur histoire. On se dit aussi que décidément, le cinéma américain (même si Parker est anglais) sait appuyer là où ça fait mal et sait regarder en face les démons du passé. La France est bien loin d’une telle réflexion et on sait qu’une telle production finirait en débat Zémour/Morano. Au delà de la richesse thématique du film, il y a une mise en scène riche qui nous propose le meilleur du classicisme hollywoodien. Sans bravoure, le récit est d’une fluidité exemplaire et le rythme est parfait tout du long. Sans emphase stylistique, la part belle est laissée aux interprètes, Gene Hackman en tête. Sans négligence visuelle, l’image est solide et la photo est parfaite. On tient donc là un grand film de son temps qui n’a pas pris une ride et qui résonne aujourd’hui toujours aussi bien. A voir ou à revoir.