Tout commence comme un western classique avec l’antagonisme habituel entre riche propriétaire et voleurs de chevaux avec des décors de ravins accidentés (d’où le titre) . Comme on est dans les 70’s contestataires le riche est forcément dur et inhumain, les voleurs sont comme il se doit des brigands au grand cœur, ados attardés attirés par l’ivresse de la bouteille et la chaleur du bordel.
Leur chef Tom Logan (un sobre Jack Nicholson) a tapé dans l’œil de la fille du propriétaire, ce qui n’empêche nullement Tom de voler les chevaux de son père à l’occasion. Un autre qu’Arthur Penn aurait joué la romance sous un fond de poursuites et de chevauchées.
Mais c’est là qu’intervient Robert E. Lee Clayton (Marlon Brando), le régulateur à deux vitesses. Sorte de justicier implacable chargé de faire appliquer le respect de la propriété, son aspect étonnerait l’amateur de western le plus endurci. Parfumé à la lavande, tiré à quatre épingles, tenant un propos décalé, marmonnant d’une voix monocorde, chantonnant, pouffant mais capable de tuer à coup sûr à 500 mètres avec son flingue, Clayton est l’une des figures les plus étranges jamais vues au Nord du Pécos.
Il faut ajouter au look déjà chargé du personnage un flair infaillible puisqu’il voit dès le départ que Logan est beaucoup trop malin pour être un fermier ; et un petit brin de sadisme qui va s’épanouir à l'occasion. L’image qu’il renvoie au début est celle d’un vieux renard malin qui piège un lapin pour le faire ensuite rôtir sur une branche. Clayton se révélera par la suite être un véritable tueur en série pervers, protégé par la loi qu’il méprise plus qu’il ne la sert. La composition hallucinée de Brando ou la volonté précise d’Arthur Penn, personne ne sait quelle est la part de chacun, le font changer d’apparence à chaque scène, le faisant passer du dandy au chanteur de country à franges, du pasteur à Ma Dalton.
« Le démon, quand il veut approcher de l’homme, prend diverses formes » dit-on. Ce pourrait être la morale du film.
L’affiche suggère un affrontement entre Nicholson et Brando. Question performance d’acteurs, si vous voulez mon avis, moi je mise tout sur le grolard.