Jennifer Kent… inconnue au bataillon. Ayant débutée dans le cinéma au milieu des années 90 en tant qu’actrice dans la série « Fréquence Crime » ou en obtenant de petits rôles comme dans « Babe », cette jeune femme revient sur les plateaux, mais cette fois çi de l’autre côté de la caméra. Après avoir réalisé un premier court-métrage nommé « Monster », l’australienne se lance dans son premier long-métrage : « Mister Babadook ».
Ce premier essai serait probablement passé inaperçu s’il n’y avait eu sur sa route le festival de Gerardmer. Les gens qui ont vu le film là-bas le considèrent presque tous comme LE film du festival cette année 2014. « Mister Babadook » a fait l’unanimité, et ce de toutes parts. Prix du Jury, Prix du Jury jeune, Prix du public et Prix de la critique internationale. Seul le Grand Prix lui a échappé. C’est ainsi que le film passe du statut de banal film d’horreur à celui de l’un des films les plus importants de l’année. Pourtant, un film de croque-mitaine… rien de très passionnant, c’est vu et revu. Seulement voilà, Kent va apporter un côté totalement novateur à ce sous genre.
(Attention: Spoil un peu partout)
« Mister Babadook » débute sur un gros plan, celui d’une femme terrifiée dans une voiture. Elle se retrouve soudain en lévitation, couchée au-dessus de son lit. Ce premier plan, d’une beauté et d’une tension assez sidérantes, place très intelligemment le nœud de l’histoire. La femme, Amélia, est réveillée par son jeune fils de 6 ans, Samuel. L’enfant nous apparait immédiatement comme quelqu’un d’étrange, ce qui va vite se confirmer. En effet, sa peur panique des monstres rend l’enfant très agressif mais extrêmement protecteur pour sa mère, lui disant sans cesse qu’il la protègera. L’élément le plus important du film nous est annoncé de la bouche de Samuel qui dit à une dame dans un supermarché que son papa est au cimetière parce qu’il est mort le jour où il emmenait Maman à la maternité. Avant la mort de son mari, Amelia écrivait des livres pour enfants. Afin de lutter contre la phobie de son fils, la mère désemparée lui fait la lecture, chaque soir, d’un livre où le monstre est vaincu afin de le rassurer. Un soir, c’est au tour de Sam de choisir la lecture du soir. « Mister Babadook ». La scène de la lecture est peut-être la plus magistrale, instaurant, par la simple découverte du livre, page par page, la peur chez l’enfant et chez sa mère. Puis nous passons instantanément d’une grande tension à une scène d’humour irrésistible…
La première partie du film nous est présentée comme un drame familial, montant progressivement en tension de par le jeu bluffant du duo d’acteurs Essie Davis (Amélia, la mère) et Noah Wiseman (Samuel, le fils). La seconde partie du film est placée sous le côté du film d’horreur. Et c’est là que le film est brillant. Ces deux parties sont d’une complémentarité absolument magistrales. En effet, le Babadook, ce croque mitaine à la carrure d’un Nosferatu d’un certain Murnau, n’est pas ce monstre représenté avec sa propre psychologie, l’exemple le plus évident va pour Freddy qui se nourrit simplement de la peur qu’il représente dans les rêves (ce qui lui donne sa puissance) et donc aucun lien direct avec la vie quotidienne de ses victimes. Ici, le BaBadook est directement lié à la psychologie des personnages, il vit des peurs de la mère liées aux éléments importants de sa vie. Ce qui fait qu’aux débuts de la possession, il n’y a aucune violence physique, tout passe par les mots, des paroles qui touchent d’autant plus que l’élément majeur de l’histoire est extrêmement douloureux, chose qui va accroître la tension entre les deux protagonistes.
Pour moi, le monstre est la représentation du non-deuil de la mère pour la mort de son époux et dans le même temps de la rancœur qu’elle a en elle pour son fils. Le moment où la mère tente de se débarrasser du livre n’est autre qu’une représentation de son refoulement de l’acceptation de la mort de son mari. Ainsi, le Babadook, nom en apparence étrange, et bien c’est le Papadook. A la fin du film, le monstre va même faire plus ou moins partie de la famille puisqu’il va vivre terré dans la cave, nourrit par la mère qui défend toutefois à son fils de l’approcher avant d’avoir un peu plus grandit. Ce qui encore une fois nous renvoie aux révélations qu’elle peut donner du père à son fils. Certaines révélations ne seront en effet compréhensibles pour l’enfant qu’en ayant pris de la maturité. Ce choix de la réalisatrice est vraiment très intéressant, plein d’audace et de maitrise. L’intérêt de l’enfant pour les illusions/la magie n’est pas non plus le fruit du hasard. Il donne la clé à ceux qui n’auraient pas « compris » le lien entre le monstre et le père vus par l’enfant.
Cette grande première de Jennifer Kent est bluffante, elle devient ainsi l’une des réalisatrices à suivre de très près. Elle aura donné une sorte de renouveau au film de croque mitaine.
Voilà bien longtemps que j'attendais un film d'horreur récent intéressant. Merci Madame! Je suis comblé!