L'ombre pâle
Achab, capitaine d'un baleinier, s’aventure en mer pour traquer la grande baleine blanche légendaire : Moby Dick. Œuvre-monstre, œuvre-monde On le sait ou on ne le sait pas, Huston est un amateur de...
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le 6 août 2021
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Moby Dick est la troisième adaptation au cinéma du roman bien connu de Melville (1851). Une dark aventure spirituelle qui voit s'affronter un capitaine au nom d'Achab et une baleine blanche du nom de Moby Dick. Une histoire fortement marquée de résonance biblique mais aussi de superstitions et de craintes face à ce qui échappe au contrôle humain.
Le capitaine Achab, c'est l'homme qui porte le nom d'un roi impie de la bible. Le personnage n'apparaît pas dans le film avant la 33e minute ou seulement lors d'un plan très bref où on l'aperçoit dans le noir. Mais durant ces 33 minutes, le film dresse le portrait du personnage, nous le fait ressentir, nous le donne à connaître comme un homme qui ne semble pas appartenir au monde des humains, comme une personnalité mythique. C'est celui qui fait taire tous les marins quand son nom est simplement prononcé celui que tout le monde fixe en silence quand il apparaît quelque part ; c'est celui dont on raconte l'histoire et la redoutable relation avec Moby Dick ; c'est un homme dont le corps est brisé et mutilé par son combat avec la baleine et qui a désormais une jambe de bois. Mais très vite on comprend que c'est surtout un homme dont l'esprit est ravagé par la haine et le désir de vengeance, un homme qui appartient aux ténèbres, qui fait trembler, qui vit la nuit plutôt que le jour, qui rumine sa vengeance, qui est obsédé par son ennemie et qui est prêt à tout sacrifier : sa vie et celle de ses hommes.
Cette histoire maudite, c'est Ismaël, un jeune mousse qui nous la raconte. Avant d'embarquer sur le bateau du capitaine, Ismaël entend la prophétie d'un homme étrange sur le quai prédisant la mort du capitaine, de tout l'équipage à l'exception d'un seul. Cet homme s'appelle Élie… du nom du prophète biblique qui s'était opposé au roi Achab.
Plus le film avance et plus on perçoit la dimension spirituelle qui habite cette histoire. Cette baleine qui résiste et échappe à Achab depuis des années est blanche, une particularité qui frappe les esprits. « C'est pas une baleine, mais un grand dieu blanc ! » s'exclame Pip le mousse. Elle semble immortelle. De quel côté est le mal ? Du côté de la baleine désignée comme un monstre par Achab ou du côté d'Achab qui projette la haine qui l'anime sur l'animal ? Un personnage vient renforcer le caractère mortifère d'Achab, c'est le capitaine Boomer : il a été également victime de Moby Dick, il a perdu une main et est devenu un « capitaine crochet », mais au lieu de sombrer dans la haine, il prend les choses avec jovialité, ça fait partie du jeu ! Il a appris à tirer le meilleur parti de sa condition au point d'être reconnaissant à la baleine parce qu'un crochet c'est bien pratique pour percer un tonneau de rhum ! Mais Achab n'entend rien à la sagesse profonde de Boomer, ses paroles glissent sur lui, il est sourd et aveugle. Au point d'en perdre la raison en prenant des décisions irrationnelles, au point de ne plus être capable de compassion face à la souffrance d'autrui : il refuse d'entendre les appels au secours du capitaine du vaisseau Rachel, il se détourne des hommes qui tombent des barques durant la chasse de Moby Dick. Plus rien ne compte.
Plus qu'un fou, il s'agit d'un homme possédé par un mal ou un Mal qui le ronge, un mal qui s'étend à tout l'équipage sous l'emprise de son capitaine. Le second se désole :
Il s'est emparé de leurs âmes. Regardez-les ! Ce sont des gants ! Achab les remplit, les anime.
La fin d'Achab sera à l'image de la rage qui l'habite. Une fin sans pitié, misérable et violente.
Moby Dick est un film remarquable par son histoire, par la densité de ses personnages, par la réalisation : la caméra subjective intensifie les émotions que l'on peut ressentir. Gregory Peck trouve dans le personnage d'Achab un rôle éloigné des personnages droits et intègres qu"il interprète le plus souvent, et il montre sa capacité à changer de registre.
Le voilier, les vagues ou bien le silence implacable de l'océan, les oiseaux tourbillonnants comme une menace dans le ciel, la pluie qui se déchaîne, les feux de saint Elme, les harpons qui volent sur le dos des baleines, les barques perdues dans l'immense océan : c'est à un véritable périple marin que nous sommes conviés, un périple qui n'a rien de touristique et où il nous faut veiller à ne pas sombrer avec Achab et son équipage !
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le 20 mai 2023
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