'I, Tonya' est à l'image de la carrière qu'il met en scène : non-conventionnel mais pas bouleversant.
La vie de Tonya Harding, de son enfance spartiate au scandale qui a secoué l'Amérique en passant par son triple axel historique est certes unique, il n'y avait toutefois pas matière à en faire un film de 2 heures. Le réalisateur Craig Gillespie l'a très bien compris, et a donc capitalisé sur deux arguments : Margot Robbie, fraîchement devenue bankable, et une narration décomplexée. Les deux paris sont réussis, mais seulement dans une certaine mesure.
L'investissement de l'actrice est évident : son sex-appeal est ici relégué derrière un look et un caractère de redneck, son interprétation est satisfaisante, mais surtout sa performance au patin à glace est excellente. Margot Robbie a évidemment était doublé, mais l'illusion est parfaite. Malheureusement, la mise en scène ne parvient jamais vraiment à capturer la prouesse technique que représente n'importe quel figures au patin à glace, à l'instar des ballets de 'Black Swan'.
L'autre bonne idée du film, c'est sa narration très désinvolte pour un biopic (on peut penser a'Wolf of Wall Street'). L'alternance entre interviews contemporaines et récit chronologique extrapolé fonctionne vraiment bien, et quelques interventions des concernés brisant le quatrième mur sont bien trouvés (la mère qui s'offusque d'être exclu du récit, les personnages qui se défendent de leur agissements violents).
Néanmoins, le film rate un créneau évident : celui des témoignages contradictoires. Alors que le message d'introduction annonce très clairement le désaccord des personnages entre eux, l'histoire est uniquement racontée par Tonya. Le sujet étant polémique, le film aurait dût jouer sur les différents points de vue des personnages, et rejouer certaines scènes plusieurs fois (à la manière de 'Rashomon'), afin d'illustrer clairement à quel point la réalité peut être perçue différemment, voire déformé par les protagonistes. A ce stade, on comprend mieux les détracteurs du film, qui regrette que Tonya nous soit présentée aussi sympathique et hors de soupçon dans l'affaire du scandale.
'I, Tonya' réserve tout de même une surprise inattendue grâce à des portraits de personnages délirants qu'on croirait tiré d'une comédie des frères Cohen. La mère acariâtre de Tonya (interprétée par Allison Janney), le mythomane abruti (schizophrénique ?) Shawn Eckhardt et l'homme de main psychotique Derrick Smith laissent des souvenirs presque plus marquants que Tonya Harding. Mais la surprise sur le gâteau réside dans le générique, où les véritables extraits d'interview viennent confirmer le réalisme des portraits pourtant ubuesques.