J'aime bien détester ces films qui se regardent dans le miroir pendant deux-trois heures, qui te balancent des plans tellement beaux que t'en deviens jaloux et qui déballent des acteurs qui ont l'air de sortir d'un spleen baudelairien.
Jusque là c'était mal barré. "Xavier Dolan" ça me disait rien, et en plus de ça "Durendal" en parlait (positivement) dans une de ses vidéos. Donc double-raison de taper injustement sur ce film. Mais le gros guignole que je suis doit se faire à l'idée.
Mommy est, au-delà de ses cadrages parfaitement confectionnés, une grosse bouffée d'oxygène qui arrive pile au bon moment dans ma petite vie de cinéphile en herbe. Ca peut paraître osé d'utiliser le terme "oxygène" étant donné que le format choisi par Dolan est un peu étouffant, donnant l'impression de regarder par le trou d'une serrure le quotidien de ces personnages qui attendent de ne plus être séquestrer pour se libérer dans un format plus large. Là où je veux en venir c'est que le film ne met jamais la pression sur ses spectateurs, il ne les oblige pas à aimer ou à comprendre certains de ses délires. Il réussit là où Boyhood s'est vautré. Dans Mommy la charge émotionnelle va de pair avec la vraisemblance des personnages, ils jouent leurs cartes à fond, sans bluff. Que ce soit le fils, la mère ou la voisine, ils sont maîtres de leur corps et font oublier qu'ils sont dirigés par un metteur en scène.
Le blond, la brune et la tuteuse.
Ou un triangle amoureux pas comme les autres. C'est en ça que se tient la majeure partie du casting. Les autres ne font qu'engraisser (efficacement) l'histoire. Et aussi limitée soit-elle, et même si elle n'est confinée que dans un temps réduit, j'ai trouvé la somme de toutes ces petites péripéties bien plus bouleversante et authentique que dans n'importe quelle autre tribulation d'ado (Boyhood, par tout hasard)
Finalement ça me ressemble peut-être plus.
Un gamin névrosé, déséquilibré, clownesque et qui sourit débilement, ouais ça me parle plus qu'un gamin à la mèche rebelle et faussement nonchalant (à mon sens ça se traduit par un manque d'envie de raconter quelque chose qui n'est pas évasif, ou sans doute que le talent n'y était pas) (si vous ne l'avez toujours pas compris, j'évacue deux mois de médisance intérieure à propos de ce pauvre Boyhood)
C'est pas facile d'être une mère.
Et encore moins quand on est la mère de Steven. La figure de Diane, à la beauté aussi froide que ses excentricités éphémères, tente de maintenir le petit animal qu'est Steven dans sa poche marsupiale. Steven ne fait pas que voir le monde en regardant à l'horizon et en sortant des phrases philosophiques, il sait que c'est une attitude de gros dégonflé incapable de se bouger le cul. Lui, il arpente les rues en tirant son caddy et il rentre en osmose avec les éléments qui l'entoure. Parfois il se sent pris au piège et il comprend bien qu'ici bas personne d'autre ne lui voudra autant de bien que sa môman (jusqu'au jour où...). Parce qu'il n'est pas un terrien anonyme, le petit animal compte bien laisser les marques de ses griffes sur la terre des hommes.
Dolan, donnant. Ou l'histoire d'une euphorie contagieuse.
Bla, bla, bla... je ne sais plus ce que j'avais dit comme conneries fumeuses, mais ça devait tourner autour de la générosité du réalisateur et sa capacité à concrétiser son ambition démesurée sans que les personnages en pâtissent (par respect pour mes lecteurs, je reviendrai soigner ce torchon et lui amener les éléments manquants, là je suis juste poussé par une force tranquille à 3h du mat)
Elle est peut-être là aussi l'adrénaline de Mommy : l'oubli qui fait mal. Être conscient d'un oubli, mais ne pas pouvoir se défaire de cette conscience pour oublier qu'elle fait mal. Un jour ou l'autre, la santé morale ça se paye.
Mommy, c'est du cinéma qui a bonne santé, faisant parfois presque l'effet d'un grand huit. Un grand manège qui ne tourne pas en rond, qui ne tournique pas, et démomifiant le culte de la famille parfaite en nous faisant voir dans le regard d'une mère le destin invraisemblable de son fils. Cet être étant l'unique preuve de sa descendance. Pour Diane, il est une raison suffisante pour vivre un peu plus longtemps, mais c'est aussi ce qui pourrait la tuer.
A force de libido prenant l'écran en otage et à coups de morve dégoulinante s'étalant sur les murs de la maison du septième art, Xavier Dolan fait entendre l'écho de ses désirs artistiques, intimement convaincu que ce qu'il fait est honorable. Et nous autres, nous ne pouvons que le voir en exercice. Dolan, sous le poids d'un auditoire en fusion, donne plus que ce qu'il peut recevoir, une vision de partage qu'il exprime étrangement par la musique populaire que certains pourraient juger d'anti-puritain. Son cinéma n'est pas imposable à toutes et tous mais son talent, lui, s'impose presque à son insu. C'est là sa plus grande peine, c'est là notre plus grand plaisir, il n'est plus possible de faire marche arrière, ni pour lui, ni pour personne d'autre.