Il fallait bien que Dolan se plante !
Le cinéma de Dolan, le très maîtrisé Tom à la ferme mis à part, a toujours été celui d'un équilibriste. Toujours avancer pour ne pas chuter, oser la pirouette au moindre pas de côté, passer en force si nécessaire, la singularité du jeune cinéaste se nourrissant de cette dynamique du maniérisme et de l'audace. Avec Mommy, péchant peut-être par excès d'assurance, Dolan perd la légèreté, la vitesse, et pour finir l'équilibre. Il se plante et tombe, passant la presque totalité du film pendu au câble de sécurité.
Steve est insupportable. Diane, sa mère, n'est pas loin de l'être. Mais comme ils ont des problèmes, on leur pardonne et on s'intéresse à eux. Du moins, on essaye. Et puis il y a la voisine d'en face, Kyla, qui a elle-même des problèmes. Tout se petit monde va s'épauler et se confronter, s'engueuler, se déchirer, s'aimer. La vie, quoi.
Dolan pose clairement le cadre de son histoire, d'abord celui de l'image, un carré dont on n'arrivera jamais à valider le choix, puis une loi saugrenue mais plausible, qui viendrait justifier le laborieux final. Dès lord, chaussant des semelles de plomb, le cinéaste s'applique à construire un mélo pesant aux ressorts dramatiques convenus, à coup de longues scènes d'hystérie et de rares instants de grâce.
On passe alors d'une épouvantable séquence de karaoké dont on voit venir la chute à des kilomètres, à une très jolie danse sur Céline Dion, un chouette pique-nique improvisé, un superbe fou-rire de Kyla. La dernière demi-heure est tellement grotesque qu'on est gêné pour Dolan qui semble incapable de terminer son film. Enfilant longueurs et poncifs, cette dernière partie est un calvaire.
Restent les actrices, Anne Dorval et Suzanne Clément, formidables comme toujours, faisant le boulot avec force et conviction, quand le jeune Antoine-Olivier Pilon est bien souvent trop en force.
Il fallait bien que Dolan se plante. Cela arrive avec son plus gros succès critique et public. Les voies du cinéma sont impénétrables.