Dans le cinéma comme dans le domaine de l’art en général, la notoriété d’un artiste s’acquière généralement avec l’âge. Mais il y a toujours quelques prodiges pour se catapulter sur le devant de la scène, et travailler sans relâche pour y rester. Depuis son premier film en 2009, Xavier Dolan est devenu une vraie star du cinéma. Il faut dire, quand on réalise cinq films en cinq ans, on passe difficilement inaperçu. Son dernier film sorti mercredi dernier, prix du jury à Cannes, semble faire l’unanimité et l’on clame déjà haut et fort au génie. Mais derrière tous ces éloges, qu’en est-il de Mommy ?
Tout d’abord, il faut savoir qu’il est assez difficile de parler de Mommy tellement celui-ci joue sur le registre du sensoriel. Néanmoins, on peut toujours dire qu’il est question d’une relation entre une mère et son fils, ce dernier ayant des troubles psychologiques lui donnant notamment des accès de colères, sans l’empêcher d’aimer profondément sa mère. La première chose qui choque dès les premières secondes du film, c’est son format 1/1 qui rebute forcément les premières minutes, et peut paraître un peu excentrique pour ne pas dire vain. Mais on s’y fait très vite, car cette particularité est largement justifiée par la mise en scène, et certaines séquences auraient sûrement beaucoup moins d’impact en 16/9, les émotions des personnages aussi. La seconde chose qui choque, c’est la présence de sous-titre français alors que les personnages parlent… français, à un seul détail près que c’est avec un accent québécois qui n’a rien à envier aux Têtes à Claques, bien au contraire. Pourtant, les dialogues sont tellement bien ciselés (alors que certains sont improvisés par le réalisateur sur le tournage !) et les acteurs sont tellement crédibles que l’on s’accoutume instantanément à ces « nous aut’ » et autres « tabernacle ».
Autre point crucial du film : sa bande-son. Car si la musique a plus ou moins d’importances selon les films, rarement elle aura été aussi omniprésente que dans Mommy. Et si au final il n’y a qu’une dizaine de morceaux dans tout le film, Xavier Dolan les fait durer de manière à rendre les scènes de musiques sublimes, à l’image de celle avec « Wonderwall » du groupe « Oasis ». En filmant un trio de personnages comprenant une mère frôlant la dépression, un fils hyperactif et bipolaire, et leur voisine qui a dû abandonner son métier d’enseignante à cause de problème de diction, on pourrait craindre que Mommy tombe dans le pathos et créé une distance entre le spectateur et les personnages. Mais grâce à des acteurs parfaits et une mise en scène astucieuse, notre empathie pour les personnages et pour le film s’intensifie au lieu de faiblir, avec une ou deux longeurs au passage, histoire de trouver quelque chose à redire au film.
Mommy n’est peut-être pas le chef-d’œuvre absolu que certains prétendent, mais son sens du drame, ses performances d’acteurs, sa mise en scène constamment inventive et ses dialogues percutants en font un film indéniablement marquant pour tout spectateur. On y vit tellement bien les émotions des personnages, du rire aux larmes, que c’est un calvaire de les quitter après 2h 20 en leur compagnie…