Dans "Mommy", les cris et les verbes sont hauts. Ce qui n’est pas un défaut, Dolan racontant l’histoire d’une mère débordée par son fils hyperactif, aux colères filant comme des tempêtes. Le premier quart d’heure particulièrement braillard, ployant sous un déluge argotique, impose sans ambages "Mommy" comme un film à fleur de peau et excessif, à l’image de son auteur que d’aucuns trouvent « trop » (orgueilleux, maniériste, emphatique…).
Même si, quelques mois après "Tom à la ferme", son film le plus « épuré » (les guillemets sont importants), Dolan semble chercher à restreindre ses emportements pop, il n’y parvient pas totalement. À l’image de ses personnages, enserrés dans un cadre au format 1:1 – choix esthétique pertinent pour évoquer les enfermements concrets ou mentaux des protagonistes -, qui sentent le besoin d’élargir les bords et de respirer en 16/9, le penchant naturel de Dolan pour les séquences clipesques revient au galop. Si ces scènes dénotent un indéniable sens de l’image, nombre d’entre elles, aussi séduisantes soient elles, s’accumulent comme autant de cheveux sur la soupe, et s’étirent, moins pour servir la narration que pour permettre à Dolan de donner à voir la maîtrise technique qu’on lui connaît. Là où le prodige québécois fait preuve d’audace, c’est dans le choix d’une bande originale constituée de titres moins « pointus » qu’à l’accoutumée et de les assumer au premier degré. Voir notamment le très beau moment de communion autour d’un tube de Céline Dion mis en scène sans la moindre once de recul cynique. Option qui aurait pu paraître tentante pour un chouchou des "Inrocks" et de "Télérama".
Le film trouve son équilibre sur la relation triangulaire, elle même source de stabilité pour cette mère, ce fils et cette voisine devenue amie. Un trio dont chacun des membres est victime d’un enfermement (dans le quotidien, dans le passé, dans un rapport fusionnel, dans des deuils impossibles, ou, au sens propre, dans des institutions spécialisées). Chaque plan du film les appelle à se défaire de leurs chaînes. "Mommy" pousse un cri de liberté. Dommage que la conclusion à rallonge se fasse l’écho sur-explicatif de ce que l’on avait déjà bien entendu et nous avait ému aux larmes un peu plus tôt.