Quand on commence à se demander pourquoi un film s'acharne à souligner l'évidence, quand on passe son temps à remettre en question sa capacité à ressentir quelque chose devant un plan, c'est en général que le film ne nous touche pas.
Hors de ces considérations dignes des Dupont et Dupont, il faut bien se rendre à l'évidence: l'agitation autour de Mommy est tout à fait injustifiée, et le père Godard a eu bien raison de ne pas aller le voir.
Dolan, on aimerait bien le rêver en Rimbaud moderne, en maître du sensoriel subversif et de la subtilité, sauf que voilà avant de détourner tous les codes de la poésie Rimbaud était le dernier grand poète latin, et sa poésie est nourrie des vers de Virgile. Dolan ce serait plutôt Céline Dion à la place de Virgile. Dés lors, pas étonnant que Mommy soit à peu près aussi subtil qu'un bon vieux téléfilm familial. Bien sûr on s'accordera à dire que c'est un téléfilm aux ressorts narratifs originaux, à la mise en scène intéressante (on ne dira pas exaltante), le tout monté par notre réalisateur de clips en québécois préféré.
Bref, chaque scène est un sommet d'esthétique kitsch (certains disent "pop"...) et de couleurs bien choisies (à titre personnel, je suis quelque peu daltonien, peut être que c'est ce qui m'empêche d'être sensible à toute forme directe de maniérisme?), et dans ce tourbillon surdécoupé on se surprend parfois à apprécier quelques vraies bonnes idées de cinéma. Par exemple le face à face entre Suzanne Clément et Steve: il y a là une vraie tension, on ne sait pas quelles pulsations animent le personnage de Kyla, on tremble un peu, le plan est suffisamment long... peut être le style nerveux de Dolan fonctionne-t-il mieux quand il s'agit de créer des moments de tension (comme dans la réussite Tom à la ferme)?
Mais chaque fois qu'on est face à des tentatives de susciter l'émotion, le découpage est trop hasardeux, pas assez équilibré, c'est artificiel, on sent que le mouvement vient des acteurs qui tentent de sortir du cadre plutôt que de l'extérieur, du temps scellé sur la pellicule.
La plupart des séquences sont noyées dans les kitscheries d'une bande son souvent plombantes, par exemple cette utilisation de Wonderwall (...) particulièrement grossière, le tout avec un montage à nouveau clipesque, des ralentis, le héros (artifice ultime) qui écarte le cadre pour symboliser comme une mouvement vers la libération intérieure... quelle lourdeur! Comment être sensible à de tels artifices, à une telle profusion d'effets inutiles?
Et c'est ainsi tout du long, une succession de symboles grossiers (la pluie, la séquence du rêve de Diane et la mise au point maniérée, la fin où le héros se libère -bien que pour le coup l'image soit assez belle- ...) et une sensation progressive de profond agacement.
Xavier Dolan n'atteint pas l'au delà du faux, c'est le moins qu'on puisse dire. Il ferait mieux de se faire la filmo de Godard, le génie vient souvent de la qualité de l'inspiration.