Nutella + chantilly + nombrilisme
Autant l'avouer tout de suite : j'ai la plus grande antipathie pour le personnage de Xavier Dolan. Pseudo-prodige de 25 ans partisan présomptueux d'un cinéma nouveau, qui vient chialer à Cannes parce qu'il n'a pas eu la Palme, qui s'offusque aux réactions de Godard sur son film au point de lui répondre un pitoyable mensonge. Bref, je n'avais pas encore eu l'occasion de voir un film du bonhomme, mais Mommy ne partait pas gagnant dans ma tête.
Je partais même avec de sérieux à-prioris, m'attendant à un cinéma précieux et tape à l'oeil, suresthétisé, et grotesque. Finalement, le film est un peu plus que ça. Parce que le matériau de Dolan n'est pas mauvais et quand il reste dans la simplicité, il parvient parfois à toucher. J'aime bien le côté oedipien de cette relation mère-fils que Dolan a quand même l'audace de pousser presque jusqu'au bout, sans crainte de tomber dans le malsain. Un bon point pour lui.
Mais quel gâchis, mes amis, quel gâchis ... Quel est le vrai problème de Xavier Dolan cinéaste finalement ? C'est qu'il est foncièrement nombriliste et que son cinéma suinte l'égo. Tellement persuadé d'être génial qu'il voit toujours plus grand, toujours plus fort, réduisant son film à une sinistre performance. C'est vraiment too-much à tous les niveaux. Dolan a d'abord un vrai problème stylistique : il n'est pas bon metteur en scène. La réalisation manque clairement d'originalité, alternant des champs contre-champs sous-bergmaniens et des séquences tapageuses au possible. Avec, comme cerise sur le gâteau, une utilisation de la musique des plus détestables où Dolan se contente de passer sa playlist MP3 aléatoirement. Avec le surdécoupage et les contre-jour hasardeux que pratique le cinéaste ici, on n'est jamais très loin du clip ou de la pub. Bref, ce n'est pas bien jojo.
Xavier Dolan, malgré toute l'originalité qu'il revendique, a de bonnes grosses influences, que l'on sent assez violemment. Les ralentis, la musique, le jeu sur les couleurs, évoquent clairement Wong Kar-Wai. Mais le hongkongais a bien entendu beaucoup plus de talent que le jeune auteur. Et puis, y a aussi le spectre des frères Dardenne qui plane là-dessus.
Mais le vrai souci n'est pas là. Le vrai souci, c'est que l'on sent toujours le petit opportuniste derrière la caméra qui développe une pseudo-esthétique pop et contemporaine pour se faire remarquer. C'est d'autant plus méprisable dans les moments les plus graves du film, où le tic maniériste de mise en scène (un ralenti par exemple) n'est plus seulement vain mais aussi franchement déplacé.
C'est dommage parce que l'on sent malgré tout que Dolan porte une certaine affection à ses personnages mais il se sent toujours plus important qu'eux, au point d'incruster son égo partout. C'est trop faux, tout ça, ça ne tient que sur le volontarisme du cinéaste.
Artificiel, oui. Vraiment artificiel. Et larmoyant. Parce que le film avec ses montages-séquences clipeux et musicaux n'a d'autre vocation qu'appuyer bêtement l'émotion. Et c'est triste à dire parce que dans les simples scènes de dialogue ou dans les séquences les plus épurés du film, Mommy peut sonner juste. Ca lui arrive. Mais il faut que Dolan vienne tout saboter en en faisant trop. C'est comme le format 1:1, véritable gadget pour épater la galerie, auquel Dolan vient donner une piètre justification en cours de film avec les changements de format. Quand ils sont heureux, le format s'élargit, et quand ils sont dans la merde, il se resserre. Pour la subtilité et l'originalité, on repassera dans dix ans, Xavier.
D'ailleurs, l'astuce finit par se retourner contre lui et le film de s'enfermer dans des schémas vus et revus, le rendant encore un peu plus académique.
Too-much, écoeurant, comme une grosse tartine briochée de nutella et de chantilly. Et c'est pour cela que l'oeuvre ne tient pas la distance et qu'elle finit par sembler interminable.
En fait, Godard l'a mieux dit que moi : un film de vieux réalisé par un jeune.