J'avais 18 ans. Il ne serait pas exagéré de dire que j'étais désespéramment amoureux d'elle. Mais y a-t-il une autre façon d'aimer à cet âge là ? (La réponse est oui, mais je vais pas développer sinon la critique passe en « interdit aux mineurs »). Elle était d'origine russe. Ses parents avaient un fort accent. Et son père était très protecteur. Nous avions l'interdiction de dormir ensemble. Pourtant, le lendemain matin, belle comme une princesse, elle est venu se coucher prêt de moi. Ce fut un moment d'extase, un moment parfait, un instant à jamais gravé en moi. Comme la demi-heure qui a suivie... Une fois levés, son père m'invita à part, dans son bureau.
Les minutes qui suivirent furent longues, pénibles et douloureux (pas de blagues sexuelles ici, le cadre ne s'y prête pas). Imaginez la scène : un accent russe horrible, des phrases longues, avec des leitmotiv constant : « pas toucher à ma fille », « la confiance c'est primordiale », « vous êtes chez moi, dans ma famille ». Mon beau-père était un grand malade qui avait décidé de me faire peur. Le problème était qu'il y arrivait très bien. J'étais littéralement terrorisé en songeant que mes parents ne découvriraient peut être jamais mon cadavre. Cependant après ce qui me parût une heure (montre en main, 10 petites minutes), il me libérât.
Mon Beau-Père et Moi, c'est un film où je suis incarné par Ben Stiller et mon beau-père malade par le grandiose Robert De Niro. Sauf que là, ils sont plus vieux (forcément), que Ben Stiller joue Greg, un infirmier en couple depuis 10 mois avec Pam Byrnes, maîtresse d'école, et souhaite l'épouser. Mais pour se faire, il doit demander l'accord de Jack Byrnes, qui est donc Robert De Niro. Or, si Jack n'est pas un russe, il est au moins ancien agent de la CIA, spécialisé en psychologie et détection de mensonge et qui a travaillé pour le compte de l'état pendant 34 ans. Autant dire que lui et mon beau-père du KGB ont dût s'opposer via agents infiltrés. Bref, passons.
Le film repose, évidemment, sur l'opposition entre les De Niro et Stiller. Le premier incarnant la force à l'état brute tandis que Stiller est moins sur de lui, plus hésitant et souhaite plaire. Malheureusement, comment plaire à un homme aussi exigeant ? Se rendant compte qu'en étant lui-même, il ne peut arriver à rien, Greg va préféré mentir pour essayer de rattraper les différentes bourdes qu'il va faire. Car si au début, ce sont des petites erreurs liés d'avantage à sa personnalité et à l’exigence sur-développé de Jack (Greg n'aime pas les chats et fume, deux défauts horribles pour Byrnes), bien rapidement on vire dans les gaffes olympiques.
La tension est augmenté par le double interdit de fumer et de pratiquer le coït. Rajoutez y que Kevin, l'ex-petit ami de Pam est présent entant que témoin. Car la sœur de Pam, Debbie, se marie le même week-end. Greg a le sentiment alors d'avoir tous les regards pointés sur lui, de n'avoir jamais le droit à l'erreur et de partir déjà avec milles et un désavantage ne serait-ce qu'à cause de son nom (Fucker en VO).
Le film est donc une comédie familiale simple et relativement efficace. Commençons par le plus rapide : au niveau technique, c'est banal. Aucun plan, aucun cadrage, aucune réflexion spéciale, on est dans la norme de ce qu'on doit avoir. Seul petit défaut au niveau « technique » : la BO est tristement vide. On ne peut que se dire que le film aurait pût se permettre d'être un peu plus défouloir à ce niveau là.
Le rythme narratif peine à convaincre également. Je dois avouer avoir trouvé plus d'une fois le film un poil ennuyant, alors qu'il est relativement court. La raison en est simple, il joue sur le mal-être du gendre qui découvre son beau-père. Un mal-être qui peut parfois pousser le spectateur dedans. Mal-être augmenté par le caractère très prévisible des blagues. En effet, on rit, mais on rit moins que ce que l'on devrait car aucune scène n'est pas prévisible plusieurs minutes (voir 20) avant son déroulement. Tout se déroule comme une symphonie déjà entendue 50 fois, il n'y a donc aucune surprise. Cela renforce le sentiment de vide des scènes intermédiaires. D'autant plus que tout tourne autour de l'opposition Jack/Greg.
Une opposition qui tient et sauve le film en même temps. Car il fut écrit pour un duo de ce type. Les blagues marchent car elles restent sympas tout en étant si peu novatrices. L'interprétation est bonne. De Niro se fait plaisir et ça se voit, il réussit vraiment bien à interpréter l'ancien agent de la CIA. Son passif lui permet en effet de tenir un rôle de se type avec une aisance remarquable. Pour Stiller, il fait du Stiller dans ce qu'il y a de plus naturel, or c'est ce qu'il faut car là aussi il colle parfaitement bien au rôle. Ces deux géants apportent vraiment toute la saveur au film. Ce n'est pas que les blagues ne sont pas drôles, c'est qu'un autre duo aurait rendu la chose moins amusante. Heureusement il reste quand même un petit peu d'espace pour Teri Polo dans le rôle de Pam Byrnes et Blythe Danner dans celui de Dina, la mère.
Pour le scénario, on est aussi dans du très conventionnel. La fin est un peu décevant quand même, car sortie de nulle part. Il y a certes résolution du conflit (pas un spoiler tant c'est prévisible), et restauration de la confiance, mais par contre, pour le reste des personnages Greg doit continuer à apparaître comme un pauvre crétin sans intérêt. Dommage de pas avoir poussé le scénario à justifier ce retour autrement, à faire comprendre que même si il a mal agit, il n'a jamais désiré cela. Certains problèmes auraient dût être modifiés pour montrer à toute la famille que Greg n'est pas un mauvais type.
Il y a, certes, facilité d'écriture. Mais ça n'empêche pas non plus une certaine qualité. On rigole et c'est le principal. On passe un bon moment avec Greg et on le plaint tout en comprenant ce qu'il subit. On apprécie vraiment le travail des acteurs, au demeurant malgré les quelques longueurs. Ce film remplit ces promesses, c'est déjà ça, malgré qu'il ne surprenne pas. Je n'arrive pas à dire pourquoi, mais malgré ces défauts, je me suis assez bien amusé pour mettre 6 et non 5.
Quant à mon beau-père, la belle russe et moi nous sommes séparés (manière virile et polie de dire qu'elle m'a brisé le cœur) et je ne l'ai plus jamais revu. Dommage dans un sens, ça aurait pût faire un film, car aucun de mes beaux-pères suivant ne lui arrivaient à la cheville … Allez savoir, et si je l'appelais ? … La fille, pas le père.